Sexisme, coupable ou non coupable ?

Lors du dernier Tribunal des Flagrants Délires RH consacré au sexisme, Valérie Riquel était la 'commissaire de police'. Nous avons jugé utile de vous retransmettre ici sa prestation, car d’une enquête on en est vite arrivé aux aveux. Et ça, c’est très MagRH - La rédaction.

Le sexisme… coupable ou non coupable ? en tant que commissaire chargée de l’enquête j’ai bien évidemment plusieurs pistes, plusieurs faits mais malheureusement tous à charge. Et pour répondre à de nombreuses questions, d’où vient-il ? à qui profite ce crime ? J’avais dépêché un indic pour enquêter sur le sujet mais le bougre s’est fait kidnapper par un groupe de Femen et je suis depuis sans nouvelles, c’est pour cette raison que je suis seule devant vous ce soir. Je me suis donc demandée ce qu’était le sexisme, car il en existe plusieurs définitions mais la plus répandue est celle qui consiste à dire que c’est une attitude discriminatoire à l’encontre du sexe opposé, certes sexe opposé ne veut pas dire sexe féminin mais force est de constater que cette attitude est quand même l’apanage des hommes surtout lorsqu’ils ont du pouvoir.

Je me suis donc dit, oui je me parle beaucoup en fait, qu’il fallait que je remonte à l’origine du sexisme, à la genèse et quand je dis genèse ce n’est pas un vain mot. Car tout le monde ne le sait peut-être pas, mais Eve n’est pas la première femme d’Adam. La première femme d’Adam s’appelait Lilith. Dieu a créé l’homme et la femme avec de la terre glaise, Lilith et Adam. Jusque là tout va bien mais Lilith qui n’était pas la dernière des sottes, bon en même temps, c’était pour l’instant la seule femme, Lilith se dit : puisque je suis faite de la même matière qu’Adam, je suis son égale et je ne vois donc pas pourquoi, lors de nos rapports amoureux, ce serait toujours à moi d’être en-dessous. Et un jour, alors qu’ils font l’amour, elle retourne Adam comme une crêpe et se met sur lui, et là ça part en vrille. Adam n’est pas d’accord, ça se dispute, ça boude, c’est l’hôtel du cul tourné et Adam, en homme courageux, va chouiner auprès du créateur. Dieu essaie de raisonner Lilith et comme elle ne veut rien entendre, il la chasse du paradis. Adam jubile, mais pas longtemps car il se retrouve seul et s’ennuie, il retourne donc chouiner auprès du créateur qui commence à en avoir ras l’auréole, cependant il consent malgré tout à lui donner une autre compagne mais il va la créer à partir d’une côte d’Adam, elle ne sera donc plus son égale puisqu’elle est issue de lui, entre nous mesdames heureusement qu’Adam n’était pas Harvey Weinstein sinon nous aurions été créées à partir d’une côte de porc.

Bref, tout ça pour dire quoi, et bien pour dire que c’est dès la création que nos ennuis ont commencé et tout ça à cause de quoi ? à cause d’une position de missionnaire. C’est pathétique. Mais revenons à notre époque, le sexisme sévit en entreprise, oui bien sûr, mais malheureusement même avant, avec sa cohorte de clichés, de stéréotypes et de jugements à l’emporte-pièce. Pour preuve, ce qui s’est passé avec l’aînée de mes filles, au moment de l’orientation après la 3 ème. Je suis convoquée par son professeur principal qui m’affirme que les études longues ne sont pas pour ma fille et comme elle est très coquette, très soucieuse de son apparence, et qu’il l’a déjà surprise en train de se recoiffer en cours et de se mirer dans le reflet des vitres, il pense qu’elle devrait s’orienter vers un BEP Esthétisme… Cliché ! Pourquoi pas si tel était son désir mais ce n’était pas le cas, elle est titulaire d’un master 2 et aujourd’hui elle négocie des contrats financiers avec l’Angleterre. Mais ce genre de jugement sexiste peut être extrêmement destructeur, là l’issue est heureuse mais ce n’est pas toujours le cas.

Avant d’être commissaire, j’ai eu une autre vie, je travaillais dans une grande société et lors d’un comité de recrutement, j’ai entendu un DRH tenir le propos suivant : ah non, on arrête d’embaucher des femmes ou alors on leur ligature les trompes ! J’ai occupé dans cette même autre vie un poste qui jusqu’à moi n’avait été pourvu que par des hommes et je me retrouve avec un homme pour adjoint. Un jour cet adjoint croise un collègue depuis longtemps perdu de vue, ce dernier lui demande alors ce qu’il devient, et tout naturellement il lui répond je suis l’adjoint de Valérie, son ancien collègue éclate alors de rire et lui dit, non mais arrête, sérieusement, tu fais quoi ? Préjugé ! Je suis une femme, je ne peux pas avoir un subordonné masculin ? 

Juste pour faire une petite parenthèse, je suis motarde et bien à chaque fois que je vais dans une concession pour acheter des vêtements techniques, on me propose des articles en ajoutant non mais Vous derrière vous êtes bien protégée, derrière quoi ? mon guidon ? Préjugé ! Je suis une femme, je ne peux pas piloter ma propre moto ? Pour en revenir au milieu professionnel, dans la société où j’officiais, il nous a été imposé un contingent spécial de promotions à attribuer aux femmes et à elles seules, c’était au moment où on faisait de plus en plus cas des inégalités salariales entre les hommes et les femmes, nous avions un quota de promotions à attribuer, c’était une obligation, si une seule de ces promotions n’était pas attribuée, c’était direct l’échafaud pour le DRH et les managers. Bien sûr c’était louable de mettre en place un dispositif qui permettait de rattraper certaines inégalités flagrantes, mais cela a eu des effets pervers, des femmes se sont vues attribuer des augmentations de salaires absolument pas méritées alors que des hommes au sein de la même équipe n’ont rien eu, alors que pour eux, l’augmentation était largement justifiée. Nous étions clairement face à une discrimination positive et c’était très maladroit.

Mais le plus grave dans tout cela, c’est que nous les femmes lorsque nous accédons à des postes à responsabilités, à des postes de pouvoir, on se sentirait presque coupables, longtemps je me suis sentie dans la peau d’une usurpatrice, ressentant le besoin d’en faire plus que les hommes pour assoir ma légitimité, c’est terrible, parce que je n’ai pas envie de ressembler à un homme, je n’ai pas envie de me réveiller le matin en me grattant l’entre-jambe et en faisant pipi dans le lavabo, je caricature bien sûr, mon lavabo est trop haut ; j’aime être une femme, j’apprécie qu’un homme s’efface devant moi pour me laisser passer, qu’il me tienne la porte ou m’ouvre la portière de la voiture, qu’il m’aide à mettre mon manteau au sortir du théâtre ou du restaurant, bon juste la première manche parce que, je ne sais pas vous mesdames, mais moi la deuxième j’ai toujours un peu de mal à la trouver, j’adore toutes ces attentions et je ne prends pas ça du tout pour de la condescendance envers ma condition dite féminine, pour moi c’est de la courtoisie, le signe d’une belle éducation, je n’y vois pas de sexisme, j’y vois du respect tout simplement. Je viens de vous présenter tous les éléments, tous les faits que j’ai pu rassembler lors de mon enquête et à leur lumière je réponds que oui le sexisme est bien responsable de la situation des femmes en entreprise.

Valérie RIQUEL

  

 

 

        

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