Le vent tourne

Cher lecteur, chère lectrice, si tu souhaites lire un énième article t’expliquant comment les femmes sont malheureuses au travail, maltraitées, discriminées, harcelées, sous-payées, etc., passe ton chemin. Je ne nie pas que ces phénomènes existent, bien entendu, mais je crois que les médias renvoient un miroir déformant de la réalité en se focalisant sur les trains qui n’arrivent pas à l’heure. Pour 100 articles sur les difficultés rencontrées par les femmes actives, combien sur les femmes qui s’éclatent au travail ? Pas loin de zéro. Est-ce à dire que seules les femmes au foyer ne sont pas masochistes ? Permettez-moi d’en douter. Est-ce alors à dire que les femmes travailleraient avant tout par nécessité, pour gagner leur vie ? Les études montrent au contraire que les femmes sont moins motivées en moyenne que les hommes par la dimension instrumentale du travail ; elles sont en revanche plus nombreuses à être mues par sa dimension expressive et relationnelle au sens où le travail contribue à la vie sociale, au développement personnel, au sentiment d’utilité sociale, etc.

Bref, je regrette que l’on parle si peu des femmes épanouies professionnellement, des femmes qui sont des stars dans leur entreprise ou bien encore de celles qui ont hâte de retourner au travail après un congé maternité/parental tout simplement parce qu’elles aiment ça. Cela aurait pourtant le mérite de dresser un portrait plus juste de notre société.

Dans cette veine, il serait aussi bon de rappeler de temps en temps que les stéréotypes sur les femmes dans la sphère professionnelle ne sont pas tous négatifs. Certes, les femmes sont victimes de certains préjugés (e.g., elles seraient moins engagées que les hommes au travail quand elles ont des enfants), mais elles bénéficient aussi d’a priori positifs (e.g., elles seraient plus ponctuelles, plus consciencieuses, moins rebelles…) qui représentent des atouts non négligeables sur le marché du travail pour accéder à certains postes. Pour le dire en deux mots : si tout n’est pas tout rose pour les femmes, tout n’est pas noir non plus, contrairement à ce que certains voudraient nous faire accroire.

Il est également important de se méfier des illusions d’optique. Si l’on parle de plus en plus des inégalités entre les sexes au travail, ce n’est pas parce que celles-ci seraient en hausse, mais parce qu’il y en a au contraire de moins en moins ; nous sommes tout simplement devenus plus attentifs à ce sujet et plus intransigeants.

Vous l’avez compris, je ne m’apprête pas ici à vous faire larmoyer sur le sort des femmes au travail. Non, je m’inscris plus dans les pas de Spinoza (« Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre ») et d’Elisabeth Badinter (Fausse route, 2003) que dans ceux du féminisme victimaire. Je m’apprête plutôt à partager avec vous quelques convictions (je n’ai pas dit « certitudes ») que je tire de mes lectures, mes propres travaux de recherche et mon travail de consultant auprès de managers et de DRH.

Je vois deux grands problèmes qui nuisent à l’égalité professionnelle, mais – rassurez-vous dans vos chaumières – je vois aussi de nombreuses raisons d’espérer, si bien que je suis extrêmement optimiste quant à la place des femmes au travail pour les années à venir. Je crois dur comme fer que – déjà un peu aujourd’hui, mais demain plus encore – les femmes auront une place déterminante dans les organisations. Parce qu’elles sont performantes et non pas parce qu’elles sont larmoyantes ; par pur intérêt des employeurs et non par pitié. Tous ceux qui contribuent au discours victimaire agissent donc non seulement de manière inefficace, mais aussi contre-productive. Et, ce qui est peut-être encore plus grave, ils s’inscrivent à rebours du sens de l’histoire. Je sais, je ne vais pas me faire que des amis. Mais si la parole des femmes se libère, pourquoi pas celle des hommes aussi ?

99 % des articles consacrés à l’égalité professionnelle sont consacrés aux causes des inégalités entre les femmes et les hommes. Les causes, on les connaît. L’enjeu est aujourd’hui de comprendre pourquoi, malgré la législation en vigueur et les professions de foi des employeurs, la réduction des inégalités entre les sexes n’avance pas plus vite. Je vois deux grandes raisons à cela.

Les femmes sont peu aidées

Première conviction et premier problème : contrairement aux apparences et en dépit des beaux discours, les femmes sont peu aidées. Si la société voulait vraiment permettre aux femmes de faire leur choix de vie et de carrière en pleine liberté et en toute conscience, elle s’y prendrait tout autrement. Pourtant, pas besoin d’être révolutionnaire. Ne serait-ce qu’un peu plus de flexibilité au niveau des horaires de halte-garderie changerait déjà un peu la donne pour beaucoup de mères (et de pères).

Voici une petite liste (non exhaustive) d’acteurs qui pourraient faire bien plus et bien mieux en la matière. Commençons par le début, c’est-à-dire l’éducation. La société civile dans son ensemble a une grande responsabilité dans les différences extravagantes d’éducation donnée aux filles et aux garçons. On ne peut pas se défausser sur la seule responsabilité des parents. Il existe encore bien peu d’écoles des parents justement ainsi que, plus largement, de lieux où l’on pourrait sensibiliser les géniteurs à leurs différences de comportement (plus ou moins conscient) envers leurs progénitures mâles et femelles. On a beaucoup débattu ces dernières années de la place que la fessée pouvait ou ne devait pas avoir dans l’éducation des enfants. Pourquoi pas ? Mais il y a des sujets éducatifs bien plus importants. Si l’on met à part le cas de Jean-Jacques Rousseau (cf. Les Confessions) et celui des enfants battus évidemment, recevoir une fessée de temps en temps au cours de son enfance a des conséquences infiniment moins grandes que recevoir une éducation sexiste, y compris de la part de parents aimants tout à fait inconscients de la différence de traitement qu’ils opèrent entre leurs enfants en raison de leur sexe biologique.

Autre acteur à placer sur le banc des acteurs décevants : les syndicats. Aujourd’hui encore, ils ne sont guère en pointe sur le sujet de l’égalité professionnelle, sans doute parce qu’ils sont eux-mêmes peu exemplaires dans ce domaine.

Quant aux associations féministes, elles sont ambivalentes dans le soutien qu’elles apportent aux femmes dans la sphère professionnelle. D’un côté, elles font un travail indispensable, notamment dans l’accompagnement de femmes en difficulté. De l’autre, l’idéologie et la morale prennent parfois le pas sur l’efficacité. Un exemple parmi bien d’autres : les réseaux de femmes. Nombre d’entreprises ont créé des réseaux internes de femmes visant notamment à « réseauter » et trouver des mentors pour briser le plafond de verre. Il s’avère que ces réseaux sont plus efficaces s’ils sont aussi ouverts aux hommes. Mais, quand je présente une étude le démontrant, certaines personnes qui clament agir pour l’amélioration de la condition des femmes au travail, refusent cette conclusion. Pour elles, il est inacceptable de conclure que les femmes gravissent plus rapidement et plus sûrement les échelons hiérarchiques quand elles sont aidées par des hommes (sous forme de mentorat par exemple). Elles préféraient que les femmes s’appuient uniquement sur des femmes, au risque de réseauter uniquement entre personnes à faible position hiérarchique et rester ainsi aux portes du pouvoir. De telles postures font écho à la boutade de Charles Péguy : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains ». Combien d’occasions manquées d’aider les femmes au nom de morales un peu trop rapides ?  

J’ai constaté que nombre de femmes (et d’hommes) qui font concrètement le plus pour les femmes de leur entreprise (coaching, lutte contre le sexisme et les discriminations…) ne craignent qu’une seule chose : être qualifiés de féministes. Cet adjectif sonne à leurs oreilles comme une insulte tant ils tiennent à se démarquer de postures affichées par certains courants du même nom qu’ils désapprouvent. Les mouvements féministes devraient ainsi s’interroger sur la répugnance qu’ils inspirent à des personnes qui agissent pourtant au quotidien pour la même cause ou presque.

Les conjoints aussi pourraient mieux faire pour favoriser ou déjà, pour commencer, ne pas défavoriser le parcours professionnel de leur femme.

Les entreprises ne sont pas douées

J’ai volontairement laissé jusqu’ici les entreprises, acteurs pourtant majeurs, de côté. Deuxième conviction et deuxième problème : les entreprises ne sont pas douées pour agir en faveur de l’égalité professionnelle, entendue ici comme l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.

D’un côté, nombre d’entre elles font la politique de l’autruche ou se disent impuissantes, se montrant ainsi aussi lucides que Charles Bovary lorsqu’il s’écrie « C’est la faute de la fatalité ». De l’autre, des entreprises font la mouche du coche, s’agitant beaucoup mais maladroitement, quand elles ne mettent pas en place des actions contreproductives.

L’égalité professionnelle ne fait pas exception à la règle : dans ce domaine aussi, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il n’est malheureusement pas rare de rencontrer à la tête des services Diversité, Inclusion, Mixité ou Egalité professionnelle – peu importe le nom – des personnes sympathiques et de bonne volonté, mais si peu connaisseuses des arcanes du sujet et/ou bien plus idéalistes et idéologiques que réalistes et pragmatiques. Il ne faut pas s’étonner ensuite de la faible efficacité de leurs politiques. Il ne faut pas s’étonner non plus que les consultants trouvent auprès d’eux des oreilles attentives car quelque peu naïves. Permettez-moi cette petite pique adressée à mes confrères : comment se fait-il que la recherche académique montre depuis des années que les formations sur la diversité sont généralement inefficaces… mais qu’il s’agit pourtant encore et toujours de l’action la plus recommandée par les consultants, y compris les cabinets spécialisés ? Il est à la fois triste et risible d’observer que certaines « bonnes pratiques » diffusées par des consultants… n’ont soit jamais été évaluées, soit n’ont en réalité jamais fait les preuves de leur efficacité ! En revanche, il est prouvé par a + b qu’elles ont contribué à engraisser bons nombre de charlatans ayant pignon sur rue. Je dis ça, je ne dis rien ! 

Parmi les erreurs classiques, il y a le fait de jouer au pompier pyromane. Combien d’employeurs qui agissent d’un côté pour l’égalité professionnelle, la main sur le cœur, tout en mettant en place ou en maintenant de l’autre côté des pratiques et politiques ayant l’effet opposé ? Par exemple, dans combien d’entreprises les postes à temps partiel se révèlent une formidable arnaque, à la fois pour la carrière et pour le salaire horaire ?

Quant à la vision naturaliste (les femmes seraient comme ceci et les hommes comme cela), elle ne tarit pas de dégâts. Il est ainsi cocasse de voir le même employeur recruter des femmes à la pelle en bas de l’échelle au nom de qualités féminines universelles (leur bienveillance, leur rigueur, leur docilité…) et en promouvoir si peu en haut de l’échelle au nom de ces mêmes traits présupposées (elles ne sont pas assez « tueuses » pour être chef).

Il faut aussi citer l’erreur commune consistant à réduire des inégalités en en creusant d’autres. Certaines entreprises mettent un point d’honneur à veiller à la stricte égalité des rémunérations entre les sexes – ce qui est à souligner, surtout si ce travail comparatif est bien fait et non pas à la hache – et le même point d’honneur à ne confier les tâches urgentes (qui empiètent sur les soirées et les week-ends) qu’à des hommes afin de ne pas nuire à l’équilibre de vie des femmes et de leur famille – comme si les hommes, eux, n’avaient pas d’autres centres d’intérêt que leur travail ! Comment s’étonner ensuite que les managers préfèrent avoir des hommes que des femmes dans leurs équipes ?

Des raisons d’espérer

Malgré ces deux problèmes, je suis extrêmement optimiste quant à la place des femmes dans le monde du travail pour les années à venir. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que ces deux principaux problèmes vont finir par devenir trop visibles pour être pudiquement mis de côté. Ensuite, parce que je vois de nombreuses raisons d’espérer. En voici au moins sept, en vrac, sans chercher à les hiérarchiser.

1. Il est (relativement) facile d’agir

Certes, les entreprises sont des organisations initialement créées par des hommes pour des hommes (avec quelques exceptions tout de même), mais cela ne constitue en rien une excuse pour se laisser aller à la fatalité : l’histoire nous apprend que les organisations sont comme les civilisations : elles évoluent ou sont mortelles.

Contrairement à ce qu’on entend généralement, il me semble qu’avec un peu de volontarisme il est relativement facile d’agir en faveur de l’égalité professionnelle, à condition de se défaire de cette terrible tentation de chercher à mettre en place des mesures nécessairement spectaculaires. Une anecdote pour illustrer. Pour le compte d’une entreprise, j’ai observé, toutes choses égales par ailleurs, quels étaient les managers qui promouvaient le plus de femmes dans leur équipe. Quelle ne fut pas la stupeur du DRH au moment de constater que le manager qui arrivait en tête de ce palmarès n’était absolument pas celui qu’il croyait, bien au contraire. Il s’agissait d’un manager réputé plutôt bourru et critique à l’égard de toute politique diversité. Il n’avait donc pas les faveurs de la direction. Mais il avait la vertu de considérer ses collaborateurs sous l’unique angle de la performance. Peu importe leur âge, sexe, visibilité ou autre couleur de peau, il promouvait tout simplement les meilleurs. Ce responsable RH (re)découvrit alors qu’à l’instar du sexe (paraît-il), ce sont souvent ceux qui en parlent le moins qui en font le plus. 

Une action « facile » et efficace consiste effectivement à se focaliser tout simplement sur la performance (et les compétences) et mettre ainsi à distance d’autres éléments d’évaluation polluants tels que le temps de travail (ou, pis, le temps passé sur le lieu de travail) et l’impression du manager fondée sur aucun fait objectif. Autre mesure « simple », du moins sur le papier : faire la chasse à tous les petits malins qui prennent un numéro 2, généralement une femme docile ou qui manque de confiance en elle, pour faire tout leur travail à leur place, se contentant alors du service après-vente : inscrire leur nom sur le dossier et assurer le faire-savoir de leur « travail ». 

Pour favoriser l’égalité professionnelle, il « suffit » également de repérer les talents à l’intérieur et hors de l’entreprise au-delà des gens qui gesticulent, de sortir des sentiers battus du parcours professionnel « idéal », d’améliorer les conditions de travail, de se soucier de l’équilibre de vie des salariés, de promouvoir les salariés selon leur savoir-faire et non le faire-savoir, etc. Bref, il n’y a rien de révolutionnaire là-dedans : il suffit de faire des RH et du management ! D’appliquer les principes de bases de ces deux disciplines. De s’intéresser à la justice organisationnelle, de veiller au fonctionnement d’une véritable méritocratie en interne. Je vous assure que ces quelques mesures de bon sens suffisent amplement pour que, tout à coup, des femmes jusqu’ici invisibles apparaissent comme par magie à des postes à responsabilité et s’avèrent au moins aussi performantes que leurs homologues masculins.

2. Les technologies jouent en faveur des femmes

La bonne nouvelle, c’est que le développement de « nouvelles formes de travail » (sic) telles que le travail à distance et les horaires flexibles jouent en faveur des femmes. En réalité, ces formes de travail sont vieilles comme le monde, même si elles reviennent à la mode. Le télétravail était par exemple pratiqué au XIXème siècle dans le secteur textile : les femmes travaillaient à la confection de vêtements de chez elle ; tant que le métier se passait de machines sophistiquées, il n’y avait pas de raisons de regrouper ces ouvrières dans un même lieu appelé atelier, fabrique ou usine. Les technologies récentes permettent de retrouver l’usage du travail à distance dans de nombreux secteurs d’activité, ce qui rend les femmes (et les hommes) moins dépendants de la carrière de leur conjoint. De même, dans les entreprises suffisamment modernes pour se focaliser sur autre chose que les apparences, on ne dit plus à une femme qui quitte le bureau à 17h30 : « Tu as pris ton après-midi ? » On sait qu’elle se remettra au travail le soir s’il le faut, une fois que ses enfants seront au lit ou bien qu’elle aura terminé son cours de théâtre ou son activité sportive par exemple. 

3. L’évolution des mentalités masculines

Autre évolution notoire : le départ progressif à la retraite des hommes (et femmes) de la vieille école, laissant les manettes du pouvoir à de nouvelles générations de dirigeants. Je rencontre de plus en plus de managers qui se défont de la gangue de leurs préjugés, s’apercevant par exemple que telle collaboratrice qui part tous les jours à 17 heures pile pour chercher ses enfants à la garderie se révèle deux fois plus productive que bien des hommes (et des femmes) qui restent jusqu’à 20 heures au bureau. De même, des hommes ayant des filles à l’âge de faire leurs premiers pas dans le monde du travail réalisent soudainement (il était temps !) qu’elles partent avec un certain handicap pour accéder à tel métier ou tel niveau hiérarchique. Ils font alors plus attention à leurs propres pratiques. D’autres, plus cyniques ou plus froids, s’entourent de femmes pour des raisons plus instrumentales : ils les considèrent généralement plus fiables et plus consciencieuses que les hommes et ont moins peur qu’elles frappent à leur porte réclamer une augmentation tous les ans ou bien qu’elles fassent un travail de sape pour prendre leur place. 

4. La peur est en train de changer de camp

Dans le domaine des relations interpersonnelles au travail et de ses potentiels dommages collatéraux, la peur est en train de changer de camp. Les employeurs se savent dans l’œil du cyclone du fait des risques juridiques et d’image accrus. Les accusations de harcèlement sexuel par exemple sont désormais prises au sérieux, contrairement au temps où l’on se contentait, au mieux, de changer de poste l’accusé ou la plaignante afin qu’ils ne travaillent plus directement ensemble. Le sexisme est quant à lui moins à la mode, ce qui devrait libérer l’ambition de certaines femmes rebutées par certaines pratiques de « vieux garçons ». 

5. L’évolution du marché matrimonial

Dans un tout autre domaine, l’évolution du marché matrimonial est favorable aux femmes à l’échelle mondiale au sens où celles-ci devraient être de moins en moins nombreuses par rapport au nombre d’hommes vivants sur terre, du moins dans les tranches d’âge où l’on travaille. Si l’on croit à la théorie de l’offre et de la demande, les femmes devraient se retrouver en position de force pour choisir leurs conjoints et se montrer exigeantes avec eux. L’inégale répartition des tâches ménagères et éducatives au sein des couples devrait donc continuer de se réduire, de même que le primat généralement accordé à la carrière de l’homme sur la femme. L’augmentation des gardes partagées entre parents séparés est encore un autre facteur positif allant dans ce sens ; les mères retrouvent plus de temps pour elles.

6. La tendance est en marche

La tendance est en marche, elle peut paraître fragile et limitée, mais un cercle vertueux s’active progressivement. Les études montrent que l’accroissement du nombre de femmes à des postes clés de l’entreprise tend à être favorable à la diversification des effectifs. A force de côtoyer des femmes performantes, les a priori négatifs des réticents à la féminisation de tous les mondes du travail devraient s’affaisser avec le temps. Les acteurs peu aidants, à l’instar des syndicats, vont être obligés de suivre le pas s’ils comptent maintenir ou accroître leur clientèle. Les hommes politiques et les vendeurs de voiture ont compris qu’il était payant de s’adresser aux femmes. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les employeurs et les syndicats ?  

7. L’ère du reverse gender gap. 

La tendance est donc en marche et porte déjà des fruits visibles dans certains pans du marché du travail. En ce qui concerne les administrateurs et les hauts potentiels, le rapport de force est favorable aux femmes. Celles qui ont une solide expérience et une ambition assumée constituent encore une denrée rare, si bien qu’à poste égal elles peuvent mieux négocier leur rémunération globale que leurs collègues masculins. Certes, beaucoup d’employeurs se contentent encore de ne recruter qu’une ou deux femmes pour féminiser les photos des équipes dirigeantes, mais cela va bien finir par se voir : ils seront obligés d’augmenter leurs « quotas » implicites. Y compris à des niveaux hiérarchiques moins élevés, les femmes ont le vent en poupe. Dans les services (la banque et l’assurance par exemple) mais aussi dans l’industrie, les femmes sont de plus en plus souvent recrutées sur des postes autrefois réservés aux hommes. Pourquoi ? Parce qu’elles sont jugées plus fiables et plus matures (surtout les jeunes femmes par rapport aux jeunes hommes). Parce que les filles réussissent bien mieux à l’école que les garçons. Parce qu’il existe moins de métiers requérant une force physique importante (merci les nouvelles technologies !).  

De façon provocante mais pas tout à fait fausse, je dirais qu’il est presque devenu has been de s’inquiéter du sort des femmes au travail. Le sujet d’avenir est plutôt celui de la place des hommes peu ou pas diplômés. A part les métiers physiques que l’on ne sait pas encore robotiser, il ne devrait bientôt leur rester que des miettes sur le marché du travail.

Il y aurait évidemment bien plus à dire sur ce sujet. Il faudrait notamment développer et affûter chaque argument que je n’ai fait qu’évoquer. Il s’agit en réalité ici que d’un bref aperçu de ce que je peux partager avec mes commanditaires lors de conférences ou missions de conseil sur ce sujet. Mais, si cet article permet déjà de changer le prisme à travers lequel vous abordez le sujet de l’égalité professionnelle, alors il n’aura pas été totalement inutile !

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