DRH et chiffres : l’évaluation du capital humain

J’entends depuis des années les directeurs administratifs et financiers revendiquer (à juste titre) qu’ils sont des Business Partners. Je rencontre aussi de nombreux DRH, avec un parcours de base financier, que je perçois eux aussi comme étant de réels Business Partners. Et si l’évaluation du capital humain était une clé permettant à tous les DRH de se positionner comme tels ?

Je m’explique :

La valeur totale de l’immatériel (non inscrit et inscrit au bilan, y compris goodwill) représentait en 2018 76% de la valeur boursière totale des entreprises du CAC 40 (source EY Profil financier du CAC 40 2018).

Par ailleurs, pour reprendre la métaphore de la course en mer chère à Alan Fustec, pour créer de la valeur il faut à la fois un bon bateau (une bonne santé matérielle et financière), un bon capital immatériel (équipage, cartes, informatique embarquée …), une bonne stratégie responsable (une route judicieusement calculée) et un contexte macro-économique favorable (la météo) !

En d’autres termes, non seulement le capital immatériel est nécessaire à la création de valeur, mais il est indispensable. Toutefois évaluer le capital humain c’est évaluer un actif (les femmes et les hommes de l’organisation) ; ce n’est pas évaluer la politique RH (les actions). Or la création de valeur nécessite à la fois de bons actifs et de bonnes décisions et actions. Pour prendre un parallèle avec les artisans, il leur faut à la fois de bons outils et en faire un bon usage pour bâtir de beaux ouvrages.

Alors, de quoi le capital immatériel est-il composé ?

De 10 actifs que sont : les clients, l’humain, l’organisation, le savoir, la marque, le système d’information, les partenaires, les actionnaires, le sociétal et l’environnemental.

Chacun de ses actifs a poids spécifique dans la création de valeur, qui dépend du secteur.

Il apparaît que dans une économie toujours plus tournée vers les services, les capacités à attirer et fidéliser les clients, les talents et à innover sont nécessaires à la pérennité de l’organisation. L’évaluation du capital humain peut être une piste pour démontrer la participation à la création de valeur … et donc piloter l’affectation de moyens et mesurer les retours sur investissements.

Car pour l’ensemble du capital immatériel, comme pour chacune de ses composantes, les intérêts de l’évaluation sont multiples :

  1. Soutenir la valorisation de l’organisation en cas de cession, fusion ou augmentation de capital,
  2. Communiquer sur la valeur de l’organisation de manière fiable,
  3. Contrôler la qualité des actifs immatériels,
  4. Les piloter avec la mise en place d’un plan de progrès pertinent,
  5. Mesurer l’impact d’un plan d’action relatif au capital immatériel ou à l’une de ses composantes sur la valeur de l’organisation

S’il est des domaines, tels les clients et les marques, dans lesquels les dues diligences s’étendent, il en est d’autres, tel l’humain, dans lesquels la vision globale des forces et des faiblesses de l’entreprise gagnerait à être plus fréquente. Pourtant, il est bien connu que plus d’une fusion sur 2 ne délivre pas les promesses attendues pour des raisons liées à l’humain. Pour les investisseurs aussi l’évaluation du capital immatériel permet de compléter les méthodes financières classiques, qui omettent certains facteurs de création de valeur et de mesurer les impacts d’un plan d’action sur la valeur d’une entreprise dans laquelle ils investissent.

Ainsi le DRH est un business partner non seulement de la direction générale, mais aussi des actionnaires.

Alors, quelles sont les composantes du capital humain et comment l’évaluer ?

L’une des méthodes est héritée des travaux du Thésaurus Bercy, devenu Thésaurus capital immatériel. Elle permet une évaluation extra-financière et financière.

Cet article étant trop bref pour nous lancer dans une description détaillée, nous avons choisi de faire un focus sur la partie évaluation extra-financière.

La méthode explique comment attribuer une note sur 20 à chaque actif, la note finale étant une pondération des notes attribuées aux différents actifs.

Elle a l’avantage d’éviter la multiplication des indicateurs et de décomposer le complexe en éléments de plus en plus simples. Les indicateurs peuvent être de différentes natures : la réponse à une interview, des indicateurs binaires (oui, non, présence ou absence), une note fournie par un panel à l’occasion d’un enquête ou d’un sondage ou un indicateur numérique.

Il est bien entendu possible de segmenter les actifs de façon parlante pour l’organisation évaluée . Ainsi, pour le capital humain, la segmentation pourra se faire en distinguant, par exemple, la production, la vente et les fonctions support. Cela permet une lecture plus fine des forces et des faiblesses et renforce la qualité de l’analyse. Mais cela nécessite que les indicateurs soient disponibles pour chacun des segments.

Les composantes du capital humain sont : la compétences des équipes, la motivation, l’efficacité, le climat/la sérénité et le savoir être ainsi que le turn over. Plus précisément il s’agit, dans la version allégée, de noter : la taille des équipes (support, commerciale, encadrement - expérience et taux-, sur/sous-effectifs), leur motivation (actionnariat salarié, baromètre social, cooptations, absentéisme, turnover), leurs compétences (CV, investissement formation aux métiers), la sérénité du climat, l’efficacité des collaborateurs (absentéisme, turnover de l’organisation par rapport au secteur), les dirigeants (sont-ils stratèges, engagés dans le développement durable, preneurs de risques, meneurs d’hommes, gestionnaires, commerciaux, maîtrisent-ils le métier et y-a-il pérennité des dirigeants ?).

Il y a dans l’attribution d’une note à ces variables non numériques une part de perception. Mais d’une part il est possible de documenter, de commenter et de simuler la résultante en faisant varier une note individuelle. D’autre part, les notes sont attribuées en fonction d’une échelle de notation suffisamment large pour limiter les risques d’appréciations divergentes (et comme toute évaluation leur résultat repose sur la sincérité et l’objectivité des réponses apportées). Enfin rappelons que chaque note est pondérée dans le résultat final.

Surtout, le plus grand mérite de cette démarche nous semble être d’apporter un outil à la fois fiable et simple d’utilisation pour situer l’entreprise dans une démarche d’amélioration continue, d’anticipation pour aligner potentiel humain et stratégie de l’entreprise, bref pour replacer l’humain au centre de son système et par là-même la DRH à sa juste place.

L’évaluation du capital humain concourt à trouver ou retrouver un juste équilibre entre les différentes fonctions des comités de direction. La crise sanitaire a mis en lumière avec le télétravail les liens entre DRH et DSI. Souhaitons que les DRH s’emparent de cet outil pour tempérer les velléités court-termistes de certains, qui souhaiteraient piloter uniquement par les coûts.

Bénédicte Merle
Présidente de Dolphinus
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