Salariées à l'index

Vous êtes unique, comme  n’importe qui d’autre
   d’après  Anu Garg

Contradictions flagrantes? Les entreprises sont le théâtre de convergences et de divergences entre conditions d’emploi.  Les carrières des personnels féminin et masculin ne progressent pas identiquement.   Bien des écarts jouent en défaveur des femmes dans le monde du travail,  mais certains hommes s’estiment   progressivement déclassés.  Un tour d’horizon  éclaire des évolutions contrastées: puisque l’éventail des questions posées par les discordances est très ouvert,  l’inventaire n’ est pas exhaustif .  Un aperçu de pistes à explorer donne cependant à réfléchir.

PUZZLE INCOMPLET

Les polémiques s’enveniment.  Surtout en Occident, selon maints observateurs, une crise sans précédent de la masculinité se manifeste .  Alors que la condition féminine actuelle est rehaussée, simultanément  le système d’évidences dont les hommes bénéficient depuis longtemps subit une forte concurrence .

Avec la montée en influence de collaboratrices  diplômées,  qualifiées professionnellement et motivées,  des fonctions jadis réservées à la gent masculine se sont ouvertes à leurs collègues mieux préparées.

En France, entre 1997 et 2016,  «le taux d’emploi des hommes a baissé de 82, 3% à 76, 3%,  alors que celui des femmes est passé de 66, 6% à 69, 2%.  Elles sont 49% à être diplômées de l’enseignement supérieur contre 39% chez les garçons» (Eugénie Bastié).

Considérons  les grilles des salaires respectives, les primes individuelles et catégorielles  et  les profils des intéressées. Prêtons attention aux recommandations de spécialistes des marchés du travail.

Une foule de questions, non abordées ici, sont évidemment à examiner. Les DRH avisés s’en préoccupent. Que leur appartient-il  d’entreprendre sans tarder? Élaborer  par exemple, des schémas d’interventions parmi ceux proposés ci-après.

CONSTATS

Les parti-pris des employeurs varient. Il leur incombe de gérer des collectivités tout en valorisant les apports  de leurs collaborateurs,  sans tolérer - notamment mais non uniquement-  de discriminations sexistes.

Les salariés  n’ignorent pas que des catégories similaires de personnel présentent des profils et des intérêts communs. Leurs porte-paroles – parfois en désaccord  sur leurs objectifs et leurs stratégies -  élus pour les défendre, formulent des revendications catégorielles auxquelles les médias font largement écho. Toutefois,  des intérêts individuels sont aussi à défendre au titre des mérites et des performances de chacun. Á quoi accorder le plus d’importance ? N’a-t-on pas trop tendu à privilégier les revendications de masse  plutôt que la reconnaissance des contributions individuelles ? S’est-on suffisamment soucié de pondérer équitablement  les rémunérations respectives ?

Des réformes  sont fortement conseillées  en faveur d’une gestion des différences  mieux équilibrée,  reconnaissant  les meilleures prestations et libérant à la fois l’épanouissement des potentiels des salariées et récompensant davantage les collaboratrices et leurs collègues les plus productifs.  L’individualisation des traitements irait-elle  nécessairement à l’encontre du respect de droits collectifs ? Cela ne paraît pas soutenable. Ce n’est pas  impraticable alors qu’à « l’ère digitale» les progrès de l’informatisation facilitent le traitement simultané de multiples variables !

RÉMUNÉRATIONS

Selon  une conception classique, «toute peine mérite salaire».  Il en découle normalement que les collaborateurs performants, individuellement et collectivement, acquièrent des droits à une part  équitable des fruits de leur travail.  Il est vrai que les concepts  invoqués de «juste salaire» sont critiqués par des parties prenantes qu’opposent des rapports de force asymétriques.

De fait, la plupart des structures répartissent principalement leurs rétributions selon les critères qui font intervenir des clés de répartition  autres que celles  liées aux apports respectifs. 

Des écarts salariaux variables subsistent entre hommes et femmes remplissant des fonctions que peu de critères objectifs distinguent. Pourquoi les uns gagnent-ils plus que les autres? L’ampleur de la faille, du «pay gap», se réduit-il ? Les agents et les firmes ne gagneraient-ils pas à adopter des stratégies de conciliation? Des compromis sont concevables pour répondre, au moins en partie, à des attentes en apparence contradictoires.

ÉCARTS PERSISTANTS

Un «gap» est simplement un écart plus ou moins grand. La paie moindre des salariées est qualifiée de «pay gap» par des anglophones. Ce manque à gagner traduit l’un des effets du «gender gap». «Gender» fait référence au «genre» féminin et masculin.

Néanmoins, dans les sociétés évoluées, des voix s’élèvent à l’encontre du maintien d’écarts selon le sexe des intéressés. Des responsables soutiennent qu’une harmonisation des chances de gains serait à l’avantage des personnels et des sociétés. La disparité n’en est pas moins mondiale, le problème durable et, selon les pronostics, destiné à se maintenir encore un certain temps.

Aux États-Unis, d’après des statistiques souvent citées, pour un dollar offert à des hommes en entreprise,  les employées perçoivent en moyenne 76 cents en exécutant un travail comparable. Des dirigeantes de sociétés touchent parfois moins de 49 % des émoluments offerts à certains de leurs homologues masculins. Désormais, ce n’est plus aussi souvent le cas.

Le taux d’emploi des salariées les plus âgées reste relativement faible alors que les besoins du marché en force de travail  tendent à croître dans diverses filières. Ne peut-on se résoudre à faire de nécessité vertu? La promotion du statut des femmes offre  un objectif digne d’être poursuivi, mais cette priorité n’a pas  encore été bien identifiée. Elle demeure souvent relativement basse alors que les besoins en travailleurs qualifiés augmentent dans nombre d’économies.

Toutefois, outre-Atlantique en particulier, des secteurs ont été répertoriés où les rétributions des collaboratrices dépassent  déjà celles de titulaires de l’autre sexe. Des hommes sont progressivement exclus de plusieurs spécialités qualifiées.  Analystes financiers, radiologues, bibliothécaires, techniciens biologistes et projectionnistes en attestent. Des femmes ingénieurs commerciales gagnent parfois jusqu’à 43 % de plus que leurs homologues masculins. Certaines statisticiennes atteignent 135 % des rémunérations masculines.

En Europe, progressivement, des activités jadis ouvertes seulement aux agents masculins sont confiées à des opératrices acquérant des qualifications adéquates et faisant leurs preuves (négociatrices immobilières, déléguées commerciales, vendeuses d’automobiles, inspectrices fiscales, principales d’écoles, employées de banques, directrices des approvisionnements, infirmières-chefs des hôpitaux, chefs de  production ou de vente; conseillères en marketing, etc.).

Si les gains de certaines collègues  sont dorénavant enviables, c’est ordinairement au prix de l’adoption par elles d’un style d’existence que d’autres ne trouvent pas acceptable. Expert en la matière, Warren Farrell a fait le point d’observations réalisées sur plusieurs années, consacrées à évaluer la ventilation des rémunérations dans la main-d’œuvre.

DES PRINCIPES AUX PRATIQUES

Quel salarié ne  souhaite pas être apprécié pour sa contribution, unique à ses yeux, aux réalisations collectives ?  Or, en pratique, les prestations de chacun sont considérées surtout en valeur relative.  

Le principe juridique et contractuel « à travail égal, salaire égal » subit des entorses évidentes, en particulier dans ses applications aux collaboratrices mais aussi à d’autres professionnels sous-estimés. Au sein d’une organisation, les positions des agents sont catégorielles. Leur niveau ne tient pas seulement aux fonctions remplies, au rang assigné dans l’échelle hiérarchique et aux responsabilités déléguées.

En théorie seulement, les prestations sont valorisées selon le niveau des compétences sollicitées, du bagage professionnel exigé, de l’expérience et des diplômes requis. En fait, les performances déployées ne sont que l’une des variables d’appréciation. 

L’apport individuel aux résultats n’est habituellement pas le premier déterminant des positions avantagées bien que l’employeur et les intéressés lui vouent de l’importance. Sa définition varie selon le secteur, les clauses contractuelles,  les normes de  l’organisation, la politique salariale et la conjoncture mais aussi du sexe. 

L’appréciation des dirigeants est comparative. Cependant, les conditions d’emploi du personnel féminin restent généralement  inférieures à celles de leurs coéquipiers aux attributions comparables. Peut-on le justifier autrement que par des croyances dépassées, des conventions anachroniques et la propension à réaliser des économies  sur la masse salariale?

EXIGENCES

Les « managers » sont confrontés à une double exigence... 

  • D’une part, respecter les modalités de gestion qui leur sont conventionnellement prescrites. Celles-ci  tolèrent peu  d’ exceptions.  Normatives, elles sont conçues en postulant l’uniformité des données à recueillir.
  • D’autre part, mieux vaudrait répondre dans la durée aux attentes multiples et variables de personnes compétentes faisant preuve d’initiatives, fortement  motivées et qui déploient leurs capacités de façon optimale.

Des « particularités individuelles » affectent les comportements professionnels. La reconnaissance des différences est donc souhaitable. Á l’opposé, la gestion des effectifs, telle qu’on la pratique ordinairement, conduit souvent à ignorer des variables et à restreindre les compensations :

  • Réglementations, conventions, contrats, dispositions légales et administratives tendent à plafonner les traitements.
  • Les secteurs d’activité s’en tiennent à des usages qui leur sont propres; statuts, classifications et barèmes conjuguent leurs effets pour encadrer strictement et délimiter les avantages liés à des accomplissements individuels.
  • Les mesures générales ont ordinairement la faveur des directions, la préférence des administratifs, l’aval des juristes et une pondération légale. Elles répondent aussi  aux revendications d’organisations syndicales qui les négocient au nom des personnels dans leur ensemble.
  • Les normes édictées sont,  par définition, de portée collective.
  • Codes et accords paritaires sont conçus pour être appliqués uniformément. Les statuts officiels sont formels quant aux positions obligatoirement attribuées aux titulaires de certains diplômes, compte tenu des anciennetés respectives.
  • Les droits collectifs sont définis alors que l’appréciation des mérites personnels est ordinairement laissée à la discrétion de l’encadrement dans le cadre de procédures  maison».
  • L’évaluation des performances est fréquemment contestable. Il n’est pas rare que son objectivité soit mise en doute. Ses critères sont suspectés. Ses méthodes réputées douteuses. Le « deux poids, deux mesures » est invoqué pour discréditer des conclusions, surtout si elles sont défavorables à certains intéressés appartenant à des personnes issues de groupes socialement dominants.
  • L’équité des nominations, des promotions, des augmentations de salaire et des affectations  est  dès lors sujette à caution. Elle soulève des objections, étayées ou non. Des griefs justifiés peuvent être formulés, comme ceux de sexisme,  homophobie,  favoritisme, népotisme, xénophobie,  discriminations ethniques … Des ressentiments nourris ont des effets délétères sur les relations. Des dysfonctionnements en résultent.
  • Redoutant d’être accusé de partialité, des responsables timorés tendent à s’abstenir de notations distinctives, éventuellement sources de contestations. Ne se contentent-ils pas de décerner des sanctions « égalitaires », ne tenant pas compte des différences de prestation ? Cette faiblesse peut sembler à beaucoup favorable au maintien « à bon compte » d’une paix sociale. Or, des injustices évidentes ne passent pas longtemps inaperçues.

CHANGEMENT DE CAP

Faire évoluer les pratiques traditionnelles  contreproductives s’impose à une époque où la population active se caractérise par une diversité croissante dans une conjoncture évolutive. Le constat doit inciter le monde du travail à élaborer de nouvelles politiques.

De fait,  le marché du travail évolue.  Il semble favoriser à la fois :

  • La féminisation des filières
  • La collaboration de nombreuses classes d’âge
  • L’hétérogénéité des formations exigées         
  • Une palette élargie de qualifications associées
  • Le plurilinguisme
  • La collaboration d’agents d’origines, de cultures,  de  choix sexuels et d’opinions  qui diffèrent de  ceux de groupes dominants
  • L’intégration de coéquipiers présentant des handicaps
  • L’érosion de certains privilèges réservés à l’ancienneté
  • L’ouverture de fonctions élevées à des non diplômés (direction générale, commerce, informatique, finances, ressources humaines…)
  • Le recours à des consultants dans la plupart des disciplines
  • La multiplication de missions temporaires et d’emplois précaires
  • La collaboration de personnes de statut non équivalent              
  • Etc., etc.

TOUS DIFFÉRENTS

À contre-courant des idées reçues, des positions en faveur d’une individualisation dans la gouvernance des ressources humaines RH ont été prônées dès les années 80 !

Ainsi, la « International Management Development Review » publiait dès 1987 des propositions  à  l’intention des DRH (C. Kramer).

L’année suivante, plus de 120 auteurs présentaient des options dans «L’enjeu humain de l’entreprise ».  Nous demandions « Comment réaliser des progrès décisifs pour parvenir à ce que chaque salarié soit considéré comme un sujet – non seulement comme un objet – et soit appelé à prendre son évolution en charge ».

Une « approche système » était prônée ainsi que la mise en œuvre de programmes appliqués non sans succès en France et à l’étranger, avec la création de services appropriés (unités de développement des carrières ; appréciations personnalisées des performances ; procédures d’estimation des potentiels ; méthode dite de l’assessment center ; contrats de performance  d’équipe, etc.).

Dans « Tous différents », Jean Marie-Peretti et ses co-auteurs soutiennent que tirer parti de la diversité est devenu impératif (Éditions d’Organisation, 2007).  Chefs d’industrie, enseignants,  DRH et d’autres cadres plaidaient alors en faveur d’une réforme des politiques classiques. Ils appelaient à encourager les initiatives, à solliciter les suggestions et à prendre en considération les attentes et les valeurs individuelles. 

Investigations et analyses périodiques des attitudes et des opinions sont proposées pour guider les DRH dans leurs stratégies. Les voies tracées n’ont pourtant pas été empruntées par une majorité de dirigeants ni soutenues par beaucoup de cadres dans nombre de structures.

PROGRÈS ?

Parvient-on à estimer les progrès enregistrés de nos jours ?  Les critiques les plus fréquentes,  pas toujours étayées, reprochent aux responsables de surtout administrer le « statu quo ». Gardiens timorés de la conformité dans un contexte  instable et une conjoncture qui se modifie rapidement, nombre d’entre eux semblent se cantonner dans un conservatisme prudent.

Michel Serres, en revanche, dresse un bilan positif des avancées des femmes dans de nombreux domaines. Dans des manifestes tels « Petite  Poucette » et « C’était mieux avant » (2017),  il met des progrès en évidence, contestant les affirmations de quiconque sous-estime l’amplitude des positions conquises par les femmes.

Néanmoins, des responsables de gestion s’interrogent encore sur la maîtrise des effets d’une diversité croissante, incontestablement riche en incertitudes. Comment envisager l’avenir ?

Il est souhaitable que les dirigeants et l’encadrement contribuent à créer des conditions d’emploi incitant aux initiatives et aux innovations. Favoriser le déploiement des motivations ne se réduit pas à distribuer des primes, à individualiser des augmentations, à alléger contrôles et contraintes ou assouplir les codes vestimentaires.

Les DRH ont-ils souvent œuvré à lever le « plafond de verre » nuisant aux promotions féminines ? Ont-ils en outre  éliminé les restrictions à l’engagement de personnes handicapées, hommes et femmes, et au recrutement de postulants de minorités dites visibles ?

Standardiser les conditions à respecter  dans la gestion « des bataillons majoritaires » ne suffit pas.  Encore faut-il faire bénéficier chaque collaborateur et chaque collaboratrice d’un suivi attentif de leur parcours en fonction des contributions attendues.  Dans l’intérêt même des sociétés et des agents, il importe de mettre en valeur le potentiel de chacun et de favoriser la convergence des concours au sein des unités et des équipes,

Alors que les taux d’emploi  vacants sont encore élevés dans bien des secteurs en France, n’a-t-on pas évincé des éléments féminins des tableaux d’avancement ?  Écarté candidates et candidats à l’embauche sous prétexte de jeunesse ou d’inexpérience ? Évincé précocement  quinquagénaires et sexagénaires qualifiés, traités comme définitivement « inemployables », malgré des capacités attestées ?  Ignoré des demandeurs  compétents mais sans emploi depuis un certain temps ? (Cf. « The jobless trap » Paul  Krugman, 2013). De tels agissements sont  tolérés au détriment d’ajustements possibles.

FONCTIONS EN MUTATION

Un bilan des occasions manquées par les Directions RH confirmerait vraisemblablement qu’elles n’ont pas su convaincre l’encadrement supérieur et l’inciter à saisir « les chances de la diversité ».  Les répercussions de décisions affectant les salariés ont rarement été pondérées par elles au sommet des pyramides organisationnelles. N’est-ce-pas le plus grave ?

Informées après-coup de décisions directoriales générales lourdes de conséquences, les DRH n’ont souvent pas reçu d’autre mission que d’exécuter des plans arrêtés sans les consulter. Des effets négatifs pouvaient éventuellement, et pour le moins,  être atténués. Des responsables de calibre suffisant sont capables de proposer des alternatives.

Soucieux en particulier de défendre la légitimité des intérêts respectifs, ils veillent à ce que les dirigeants engagent et maintiennent un dialogue constructif  avec les représentants du personnel et leurs groupements.  Dans de nombreux  cas, des négociations bien menées parviennent à désamorcer les passions et aboutissent à des compromis acceptés.

Aux fonctions traditionnellement confiées s’en ajoutent de nouvelles. Quatre rôles de la DRH sont particulièrement créateurs de valeurs,  soutiennent des chercheurs (A. Le Flanchec) :

  • Contribuer à élaborer les stratégies de la Direction et les accompagner dans leur réalisation
  • Stimuler la contribution des salariés ; favoriser l’investissement de compétences ; maximiser la prise en compte des attentes légitimes
  • Gérer  les adaptations aux changements en développant  la synergie des parties prenantes
  • Modérer les coûts : pourchasser les dépenses superflues ; éliminer les fraudes ; veiller au respect de la légalité.

PROGRAMMES  CIBLÉS

Le monopole de gestion du facteur humain paraît à présent échapper aux DRH. Tout chef de service et tout cadre doivent se résoudre à porter leur part des responsabilités de leadership, de médiation, de formation et de gestion des effectifs. Aux responsables RH de les guider, de fournir des appuis et de veiller à la cohésion.

Nul doute, une politique de personnalisation des RH est désirable à de nombreux égards. La diversité des effectifs s’accroît : celle des salariées et des candidats à l’instar de celle des cultures, des savoirs, des technologies, des modes de communication  et des champs d’activité. La flexibilité s’impose en corrélation avec le tempo des changements.

Afin d’intégrer et de mobiliser les collaborateurs,  il est possible et nécessaire de focaliser des politiques spécifiques sur l’intégration individuelle. Il est manifestement utile d’encourager les accomplissements de tout partenaire et aussi d’aider à réussir ceux qui doivent surmonter des difficultés particulières parce qu’ils sont issus de catégories défavorisées ou immigrent de pays lointains.

Parmi les réformes tenues pour prioritaires, au bénéfice de salariés de tous niveaux et profils, sans discrimination de sexe ou d’origine, s’inscrivent  des impératifs à l’agenda des entités les plus prévoyantes:

  1. Les conduites admises doivent périodiquement être clarifiées, explicitées et rediffusées. Chacun doit être informé des principales options retenues par la direction, notamment pour appliquer la reconnaissance des mérites. Des voies de recours sont prévues en cas  de sanctions prononcées en raison de négligences, manquements, d’arbitraire, de harcèlement, de malfaisance et d’abus d’autorité.
  2. Les instances supérieures font en sorte de fournir des informations sur les choix retenus, les prévisions établies et les changements à envisager ; les valeurs à respecter  ainsi que  les règles à observer, notamment dans les multiples domaines du traitement de tout  partenaire.
  3. La fluidité des communications internes et externes est à assurer et à majorer ; les occasions de dialogue, de transmission et de retour d’information sont multipliées.
  4. Les modes de consultation et de médiation destinés à prévenir, résoudre et apaiser  les différends sont définis ; la remontée des questions et des réactions de la base et des échelons intermédiaires est sollicitée et encouragée en permanence.
  5. La validation des méthodes de promotion, de préparation et de suivi de l’encadrement est étendue et perfectionnée ; les nominations,  l’avancement et la confirmation des responsables hiérarchiques ne sauraient relever uniquement de dirigeants peu préparés à leur mission. Critères et méthodes de sélection sont mis à jour et validés.
  6. Geoffroy Roux de Bézieux,  nouveau président du Medef, se réfère dès juillet 2018 à la sédimentation historique des inégalités hommes/femmes dans les entreprises et à la difficulté de faire évoluer la grille des évaluations comparatives. Son agenda promet de stimuler  les initiatives  à ce sujet (« Le grand entretien »  France Inter, 9 juillet 2018).

AGIR SUR LES RELATIONS

Une entreprise bien gérée n’attend pas les crises pour restructurer son organisation et faire évoluer la composition et le traitement de ses effectifs. Elle se dote de cadres à haut potentiel, étoffe son portefeuille de savoirs et de capacités.

Une firme avancée maîtrise ses communications internes et externes : elle se doit de gérer attentivement des partenariats avec les tiers dont dépendent expansion et profitabilité. Négociations et consultations sont conduites afin de désamorcer les conflits aussitôt que possible et modérer les affrontements.

Chaque firme choisit ses buts et ajuste ses moyens. Des plans «standard » ne sont guère praticables. Plutôt que de généraliser et de codifier des rigidités, mieux vaut innover. On renonce à « chosifier »  des individus dont l’humanité est à valoriser (Robert  Meignez).

Développer les performances de l’entreprise demeure la règle. Ce n’est certes pas la seule. Il est exigible  de préserver la santé physique et mentale des acteurs, de contribuer au bien-être de chacun, de remédier à  des effets néfastes (souffrances au travail, harcèlements, risques psycho-sociaux, voire suicides imputables à des conditions de travail insupportables. Il importe de se préoccuper des effets contre-productifs d’une concurrence exacerbée entre salariés, attisée plutôt que tempérée  par des chefs de services.

La personnalisation des dispositifs de gestion vise à offrir des éléments de réponse à certains des problèmes inhérents à l’intensité du travail et à sa pénibilité. Elle modifie les responsabilités déléguées.

Les dirigeants sont appelés à établir leur propre plan d’action. Il inclut délibérément un volet « ressources humaines »  détaillé dans leur agenda de développement («business plan» annuel) élaboré avec leurs collaborateurs.

L’encadrement doit forcément s’employer à optimiser les relations entre coéquipiers et hiérarchie. De leur qualité découlent les contributions individuelles et collectives à la poursuite d’objectifs dans un climat tonique, stimulant et tolérant, acceptable par la plupart.  

Comment les sociétés pourraient-elles se dispenser durablement de se préoccuper davantage de l’intégrité des dirigeants, de  leur sens moral, de protection institutionnelle contre des comportements abusifs, de prévention des fraudes comme des corruptions et de bien d’autres actes délictueux pour la plupart prévisibles et évitables ?

La clarification des obligations respectives et des droits de chacun s’impose. L’évolution des valeurs d’une société et d’une économie en mutation entraîne des conséquences sur le management des RH. Le rôle des responsables de personnel comporte donc de multiples exigences (D. Marbet).

Un atout joue en faveur d’une « gestion différentielle des personnes», à condition toutefois de l’introduire avec doigté : l’informatisation permet d’ouvrir toujours plus largement l’éventail des programmes, des projets, des affectations, du développement des carrières, des statuts associés, des parcours personnalisés, des formations adaptées, des horaires choisis, des variations d’activité, etc.

De fait,  la fiabilité et la souplesse des technologies modernes facilitent aujourd’hui la maîtrise des  variables et le suivi simultané d’une multitude de différences.

 Il n’empêche que des patrons et  des syndiqués tardent  à admettre les impératifs de la diversité (Claude Bébéar). De petites structures n’ont parfois aucun responsable spécialement formé qui se consacre aux RH.

Pour qu’un dirigeant s’engage dans une démarche d’égalisation des chances à l’échelle d’un établissement, il est essentiel qu’il soit convaincu de ses avantages. Des moyens suffisants doivent  être alloués (Le Figaro, avril 2013).

La finalité à viser dans l’entreprise, quelles que soient ses dimensions, est d’obtenir l’adhésion de la hiérarchie et des collaborateurs à une organisation judicieuse,  agencée à la fois en vue de l’intérêt commun et du bien individuel.

Dans le cadre de leur stratégie de maintien et de déploiement optimal, combien de directions générales et de DRH sont-elles résolues à progresser dans cette voie  et prennent-elles les dispositions indispensables ?

Charles KRAMER

  

 

 

        

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