Le co-apprentissage n’a pas encore vraiment profité de la transformation digitale

L’apprentissage entre pairs (peer-to-peer learning, social learning) est une pédagogie beaucoup plus efficace que la formation traditionnelle pour deux raisons principales : 

  1. La formation est souvent vécue comme un processus vertical, avec un professionnel extérieur détenteur d’un savoir. Les adultes plus que les jeunes vivent mal cette position d’apprenant en face d’un sachant.
  2. Nous savons que dans un environnement VUCA, les solutions aux défis que doivent relever les entreprises viennent plus de la créativité et de l’intelligence collective que des procédures ou des règles bien apprises.

Le co-apprentissage s’est structuré avec le compagnonnage. Encore pratiqué aujourd’hui, on y apprend le tour de main, le savoir-faire grâce à l’exemple des autres dans la pratique du métier. Les compagnons constituent des communautés de pratique par métier où solidarité et coopération sont des valeurs fortes.

De nos jours l’École 42, une formation révolutionnaire à l’informatique sans cours, sans professeurs et exclusivement en communauté apprenante, a fait du peer-to-peer learning sa marque de fabrique.

En entreprise, le co-apprentissage reste peu organisé malgré ses très nombreux atouts : mobilisation des ressources internes, formation adaptée aux situations de travail, utilité directe, meilleure intégration du changement, développement des relations horizontales…

Pourtant les collaborateurs accumulent collectivement une grande richesse de connaissances formelles et tacites. Autant les premières peuvent-être transmises de manière très structurée avec des supports simples (des fiches produit, des processus de maintenance…) autant les secondes, les connaissances dites tacites, non structurées, sont beaucoup plus difficiles à partager et à capitaliser au bénéfice du plus grand nombre. Et ainsi une " bibliothèque brûle " lorsqu’un collaborateur part à la retraite ou à tout le moins de nombreuses opportunités sont manquées par défaut de partage des savoirs.

Exemples : tel argument de vente est particulièrement efficace dans telle situation, ou inversement, contreproductif dans telle autre ; telle configuration technique fonctionne bien dans telles conditions d’exploitation. Difficile de faire un dessin ou d’écrire une note pour expliquer la manière de travailler la vente avec un prospect !

Toutes ces situations sont nourries de l’expérience.  Chacun dans son coin se confronte au réel et en retire des enseignements. Partager ce savoir dans le cadre de l’entreprise fait gagner beaucoup de temps notamment pour le on boarding des nouveaux.

Il y a encore trop d’apprentissage informel, au hasard des relations personnelles ou des rencontres à la machine à café ou pendant la pause cigarette !

Pour former leurs équipes, rares sont les entreprises qui s’appuient sur des collaborateurs ayant l’expertise, qu’elles forment à la transmission de leur savoir et qu’elles détachent partiellement à la formation ! N’est-il pas plus simple de s’adresser à des organismes de formation, de piocher dans leurs catalogues et d’utiliser la ligne budgétaire formation ? Très souvent d’ailleurs, dans les réponses aux appels d’offres, le volet " accompagnement de la mise en pratique " n’est pas pris en considération. Étonnant car la mise en pratique n’est-elle pas l’objectif souhaité ?

Pour transmettre des connaissances, des fondamentaux, il faut aller au-delà et prolonger l’enseignement par la mise en pratique dans le quotidien de l’activité professionnelle. C’est là que la trans-formation se réalise durablement.

Sur ce sujet, le numérique ouvre de nouvelles opportunités jusqu’ici peu explorées.

Comme dans d’autres domaines tels que le travail d’équipe, la gestion de projet… les outils collaboratifs permettent théoriquement de revisiter les processus classiques en réduisant les distances physiques ou en évitant la synchronicité.

Mais force est de constater que depuis une dizaine d’années qu’existent les wiki, blog, réseaux sociaux d’entreprise, messageries instantanées et autres outils, le social learning ne s’est pas développé.

Notre conviction est que jusqu’à présent le processus pédagogique n’a pas été vraiment pensé avec la nouveauté qu’apporte le digital :

Les MOOC par exemple sont bien souvent conçus comme des outils de diffusion verticale massive, les possibilités d’interaction horizontale étant peu exploitées.

Les éditeurs de logiciels de eLearning ont très rarement conçu les fonctions de social learning autrement que par la simple transposition de messageries instantanées type WhatsApp, Slack ou Teams par ailleurs très utiles dans d’autres circonstances.

L’erreur fréquente est de considérer que l’outil se suffit à lui-même. Or déjà en présentiel, le processus d’apprentissage, pour qu’il ne soit pas laissé au jeu du hasard, nécessite d’une part une organisation et d’autre part une animation. Alors pourquoi penser qu’en numérique l’apprentissage pourrait se faire spontanément ?

A l’ère du digital, la réussite du co-apprentissage dépend de trois conditions :

1 - Le formateur doit penser son enseignement en même temps en présentiel et en digital pour ancrer son action dans le quotidien des apprenants, de vérifier la mise en pratique, d’orienter ses enseignements. Le formateur interviendra donc dans l’espace numérique comme dans l’espace physique.

Le réseau de co-apprentisage sert de " bac à sable " pour la mise en pratique des enseignements après une séance et réciproquement il permet de remonter des sujets pour réparer les séances suivantes. Les participants deviennent eux-mêmes créateurs de contenu.

Cela suppose donc que des prestations soient reconnues en tant que telles dans l’espace digital. C’est très rare qu’elles le soient dans les cursus de formation.

2 - Le formateur doit par ailleurs disposer d’outils pour organiser, dynamiser et synthétiser les échanges. Notamment avec des technologies de "Natural language processing" pour analyser des contenus non structurés.

Les outils d’animation sont les grands absents de la plupart des outils collaboratifs qui sont essentiellement participatifs, c’est à dire se basant sur la seule spontanéité. Pas étonnant qu’après quelques semaines d’engouement suscité par la nouveauté du lancement d’un nouvel outil, l’engagement diminue drastiquement. Ou alors les usages se sont tellement diversifiés que l’on a généré une très grande pagaïe dans la communication semblable à celle de la messagerie que ces outils promettaient de tuer !

3 - Enfin le formateur doit aussi faire évoluer sa posture en descendant de son estrade pour devenir facilitateur. Facilitateur de la coopération, de l’expression des savoirs des participants qui ont tellement d’expérience opérationnelle qui peut être utile à tous. Voilà qui en même temps donne du sens et de la reconnaissance, facteur clé du sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Ces trois conditions sont au cœur de l’offre de Zeebra qui réunit accompagnement, méthode et plateforme numérique.

A un moment où l’individualisation des formations va s’accélérer avec le CPF, réinventer la formation en l’appuyant sur le co-apprentissage et sur des outils spécialement conçus à cette fin, tel est le nouveau challenge pour les DRH qui souhaitent apporter leur pierre à la construction de la performance collective de l’entreprise. L’apprentissage entre pairs crée du lien social, permet de développer la bienveillance, la motivation, l’efficacité et renforce la créativité.

Didier Serrat

Fondateur de Zeebra Learning by sharing. Maître de conférences à l’École de management et de l’innovation à Sciences Po. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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    Mots-clés: FORMATiON, E-LEARNING, APPRENTISSAGE

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