Les ressources humaines sont nées dans les données et plus spécialement dans les chiffres et il n’y a pas d’autres choix que de les y laisser. Sur 80 ans, l’histoire a montré combien les premières fonctions de la gestion des ressources humaines, portées par l’administration du personnel, le calcul de paie et des charges sociales, ont été un ferment riche sur lequel les graines de l’automatisation ont permis l’essor des calculateurs d’abord, puis de l’informatique d’entreprise ensuite auprès des DRH.
Dans le contexte actuel dans lequel le législateur reste un acteur hyper actif en matière de modification du droit du travail, de règles de rémunération, de cotisations sociales, d’allègement de cotisations, d’évolution des taux, d’assiettes de calcul, de modalités déclaratives, d’évolution conventionnelles, etc … force est de constater que les chiffres, les calculs, les algorithmes, les programmes informatiques, et de facto la nécessaire maitrise comme le maintien des compétences RH sur ces problématiques-clés - car soumises à pénalités si elles sont erronées - sont et demeurent incontournables à la bonne gestion sociale de nos organisations. Avec un degré de complexité tel que même quand il s’est agi de simplifier le bulletin de paie, la réalité de sa mise en œuvre est passée par une relative complexification des processus métier de Gestion administrative RH.
En parallèle, depuis les lois Auroux de 1982 qui instauraient le renforcement des salariés comme citoyens dans la sphère de l’entreprise et les instances de représentation du personnel, les obligations de présentation d’indicateurs, de prévisions ou d’organisation ont accentué le besoin de disposer de chiffres éclairant les politiques et les actions RH. La récente BDES en est un héritage fidèle et saisissant.
Ce qui était vrai hier, reste vrai aujourd’hui. Le carburant des ressources humaines est un mélange de données, de calculs et d’analyse. Si ce n’est que le caractère traditionnellement subi, réglementaire et obligatoire s’ouvre de manière ambitieuse vers de nouveaux horizons de valorisation de la fonction RH. Ainsi, le pilotage des données sociales ou encore la capacité à donner corps à la prospective RH dans l’entreprise ou les expérimentations d’algorithmes d’intelligence artificielle de matching de profils de carrière par exemple, reflètent la volonté ferme des DRH de changer la donne et de se doter des meilleurs moyens de mieux décider. Des chiffres et de la data donc, oui, assurément, mais désormais pour en tirer des nouveaux partis, de manière inédite. Pour en tirer aussi de réels bénéfices stratégiques au service du développement du business de l’entreprise.
La «quantification qualitative» des ressources humaines vient en effet sophistiquer la situation historique de gestion des éléments de paie et est devenue une tendance de fonds qui appuie désormais des orientations stratégiques et opérationnelles de maitrise et de pilotage du coût du travail, ou encore de communication et de mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des facteurs de diversité au sein de l’entreprise.
Mais encore au-delà, est aussi apparu une volonté nouvelle de doter la fonction RH de capacités accrues d’objectiver, de mesurer, de connaître et d’anticiper le pilotage des effectifs, l’évolution des patrimoines de compétences ou encore des aires de mobilité et des parcours de carrière, … C’est à ce titre que le Graal de la gestion prospective RH se cristallise plus que jamais au fil du temps dans le concept de Strategic Workforce Planning, vu comme apportant la capacité à projeter dans le temps la structure qualitative et mouvante de ses ressources et du coût du travail qui y est afférent.
De ce fait, l’inspiration des pratiques, des principes et des solutions de gestion de la relation Clients est comme une évidence, tant le parallèle entre la valorisation du client et la valorisation du salarié s’impose. En effet, dans les deux sphères, celle du client comme dans celle du salarié, il y a une volonté à agir pour mieux connaître ses clients et vouloir mieux connaître ses salariés, disposer d’une synthèse client comme d’une synthèse salarié, générer et gérer les opportunités de contact avec les clients, comme avec les salariés, anticiper ou susciter les attentes des clients comme celles des salariés. La structuration d’une gestion dé-silotée et sans couture de la fonction RH, fondée sur des indicateurs et des algorithmes objectifs et en temps réel, le croisement de signaux faibles avec des caractéristiques dynamiques ; tout cela concourt à transformer la gestion des ressources humaines, la faisant passer d’un principe désuet et statique d’enregistrement de données individuelles à caractère plutôt réglementaire, à la mise en dynamique d’un Data management fondé sur la gestion événementielle RH et la vision panoramique à 360 degrés de ses salariés.
Plus que les chiffres, c’est de la Data et de la capacité à la créer, la maitriser, la fiabiliser et la valoriser que vient la valeur contributive des Ressources Humaines au développement des organisations. Et cela sans avoir à choisir un camp plutôt qu’un autre, l’entreprise contre les salariés, mais en se dotant de moyens innovants, proches de ceux du marketing digital, pour que les services rendus aux salariés soient aussi à la hauteur des réponses apportées aux enjeux de la stratégie de l’entreprise.