Le monde de l’entreprise est aujourd’hui soumis à des contraintes économiques de plus en plus fortes. Quelle entreprise ou grand groupe n’a pas procédé, au cours de ces dix dernières années, à une réorganisation, une restructuration, voire une réduction de ses effectifs ?
Dans cette recherche permanente de la compétitivité, les critères de rentabilité sont incontournables, et, au sein des entreprises, les Directions Financières ont souvent un rôle prépondérant dans les prises de décisions stratégiques des Directions Générales. Mais peut-on utiliser ces termes “froidement” financiers lorsque l’on évoque les Hommes et les Femmes qui font fonctionner cette organisation complexe qu’est le monde de l’entreprise ?
Les Directions des Ressources Humaines ont, elles aussi, un rôle primordial à jouer : elles sont garantes du capital humain, de sa valeur ajoutée. Elles sont responsables du développement de chaque salarié, tout en collaborant étroitement aux objectifs de l’entreprise.
C’est pour répondre à ce qui peut apparaître comme une contradiction que, progressivement, la fonction de Contrôleur/se de Gestion Sociale s’est imposée : rassembler, analyser, crédibiliser les données RH en les fiabilisant, mais également en “socialisant” des éléments chiffrés, en ne laissant pas, entre autres, la rémunération des compétences aux seules mains des services financiers. La raison d’être de ce métier est au cœur de ce constat : en produisant des arguments chiffrés et fiables, le CGS permet au Directeur des Ressources Humaines (DRH) de piloter le capital humain et de contribuer pleinement à la stratégie de l’organisation.
Les résultats présentés ci-après sont le reflet d’entretiens réalisés avec une trentaine de contrôleur/se de gestion sociale par un groupe d’étudiants du Master MRH de Lille dans le cadre de travaux que nous avons réalisés pour le compte de l’observatoire des métiers de la fonction RH du réseau des troisièmes cycles RH : Référence RH.
Après avoir dressé un état des lieux sur le profil, le métier et les compétences des personnes interrogées, le contenu de leur poste et son positionnement stratégique, nous avons suivi la démarche Prospective Métiers et nous sommes interrogées sur l’impact des mutations, internes ou externes, sur le contenu et la nature du métier de CGS.
Au travers de ces entretiens, la nature du métier apparait toutefois comme étant assez variable et s’adaptant aux besoins de chaque organisation. Les caractéristiques de chaque entité (internationalité, dispersion géographique, intensité capitalistique et, plus largement, nature de l’activité) ont une influence sur le contenu des activités du CGS.
De fait, face à la question “quelles sont les mutations qui ont impacté votre métier ?”, nos interlocuteurs se sont avérés relativement déstabilisés, voire sans réponse. Ceci est d’autant plus compréhensible qu’il s’agit souvent d’une fonction récente dans l’entreprise.
Les mutations internes présentant la plus forte corrélation avec les modifications du rôle du CGS sont toutes celles qui touchent les réorganisations d’entreprises : restructuration, fusion/acquisition, PSE.
Très souvent citées, leurs conséquences immédiates sont :
- Forte pression sur la surveillance de l’effectif et de la masse salariale,
- Centralisation accrue des données, en vue de l’harmonisation des outils et des process,
- Pilotage précis et permanent (suivi des plans de départs volontaires, calcul des indemnités au jour le jour et de leur impact sur la MS),
- Création, pour les grands groupes, de véritables pôles de contrôleurs de gestion sociale.
A l’inverse, une forte diminution des effectifs peut aboutir à une taille critique qui impliquera la suppression pure et simple du poste de CGS (c’est le cas de l’un de nos interlocuteurs).
Autre mutation interne citée : la modification des systèmes d’information, qui impacte directement l’outil de travail principal du CGS : par exemple, la mise en place d’un ERP, avec la nécessité d’y intégrer le SIRH.
Enfin, nous l’avons mentionné précédemment, tous les changements de direction générale ou de Direction des Ressources Humaines provoquent une période de flottement dans l’attente de la détermination de nouveaux axes stratégiques et impactent fortement la fonction.
Les mutation externes
Concernant les mutations externes et leur influence sur le métier, la moitié des personnes interrogées ont considéré que la situation économique n’avait pas d’impact direct sur la nature de leurs missions. Ceux qui l’ont mentionnée considèrent toutefois que leur suivi des grands indicateurs a été plus précis et fréquent pendant la période de ralentissement économique. La diffusion desdits indicateurs a souvent été faite de façon plus étendue, pour sensibiliser un plus large public aux contraintes économiques.
Les évolutions législatives ont également été souvent citées :
- Recul de l’âge de la retraite,
- Évolution des allègements des charges sociales,
- Égalité Homme/Femme,
- Emploi des Séniors,
- Diversité…..
Autant de sujets qui sont au cœur des préoccupations des services RH et qui élargissent l’éventail des thèmes d’intervention des contrôleurs de gestion sociale.
Cités également, mais de façon plus ponctuelle (2 personnes), les thèmes du Grenelle de l’environnement et de la norme ISO 26000, qui amènent le CGS à travailler sur des thèmes nouveaux, transverses entre les RH et la communication, par la valorisation de la marque Employeur et de l’image de marque de l’entreprise.
Enfin, un dernier point concerne les évolutions technologiques : nous souhaitions, au travers d’une question dédiée, faire un focus particulier dans ce domaine, compte tenu de la forte dépendance du CGS par rapport à ces outils.
Sur ce point, tous nos interlocuteurs en attendent beaucoup : outils plus performants, mieux adaptés, plus fiables. Les espaces collaboratifs sont également perçus comme une évolution prometteuse : ils permettront une remontée d’informations directe de la part des collaborateurs. Dans certaines organisations, des espaces collaboratifs par métier doivent voir le jour pour permettre un échange sur les pratiques métier entre les CGS de différentes implantations nationales. De même, les personnes interrogées utilisent beaucoup internet comme source d’informations.
Cependant, deux freins ont émergé :
- Des changements d’outils permettent la mise à disposition directe auprès des opérationnels d’indicateurs, mais le rôle d’analyse du CGS est alors supprimé, au détriment d’une prise de recul pourtant nécessaire ;
- La course à l’outil le plus moderne tient parfois de l’acquisition du gadget, sans se poser la question : “a-t-on réellement besoin d’un changement d’outil ?”
Nos interlocuteurs insistent donc sur le fait que les performances des systèmes d’information doivent toujours s’accompagner des compétences nécessaires à l’interprétation de leurs résultats.
Orientations & Evolutions prévisibles
Sur les 27 personnes en poste que nous avons rencontrées, quatre d’entre elles n’avaient pas de vision claire à moyen terme de leur fonction dans l’avenir. Dans la majorité des cas, nos interlocuteurs estiment que leur fonction est en devenir et qu’elle offrira de plus en plus de valeur ajoutée à leur organisation. C’est pourquoi il s’avère nécessaire pour certains de mettre en place des formations spécifiques.
Les grandes évolutions qui nous ont été mentionnées :
- Orientation vers de plus en plus de prospective, de prévisions en lieu et place des constats a posteriori faits actuellement ;
- Internationalisation du métier, pour suivre la mondialisation croissante des grands groupes. Il devrait y avoir de plus en plus de projets transverses multi-pays ;
- Accroissement de la transversalité de la fonction, avec uniformisation des indicateurs à disposition des services RH, Gestion, Production, Ventes. Les CGS pourrait prendre le leadership dans ce domaine ;
- Évolution possible vers un changement d’interlocuteurs, avec un dialogue direct avec les collaborateurs et managers au travers d’outils interactifs
- Évolution de la fonction possible enfin vers une externalisation, via des cabinets de conseils, rendue nécessaire par la mutation rapide des outils et l’expertise que leur utilisation nécessite. Cependant, cette externalisation se ferait au détriment de l’ «adaptabilité» de la fonction !
Tout ceci, nous l’avions décrit, il y a... 5 ans et les constats sont toujours valables ou en émergence ! S’ils nous ont donné quelques pistes de réflexion, les contrôleurs de gestion sociale actuellement en poste considèrent que leur discipline n’est pas suffisamment développée. Nous savons ce qu’il nous reste à faire.