L’actuaire est un spécialiste de la gestion quantitative des risques, en particulier de ceux liés aux problématiques RH. La profession s’est structurée à partir de la fin du 19ème siècle autour du développement des mathématiques, de la statistique et des activités d’assurance. Plus récemment, face à une forte financiarisation de l’économie, les entreprises et les cabinets de conseil ont massivement recruté des actuaires.
En matière RH, l’actuaire est avant tout un scientifique facilitateur au service des DRH, des Comp&Ben et des contrôleurs de gestion sociale. Il intervient ponctuellement, à l’occasion de fusions/acquisitions notamment, ou en support régulier tout au long de l’année.Il apporte traditionnellement son expertise dans les différents domaines de la protection sociale, auprès des entreprises, des branches professionnelles et des caisses de retraite, souvent en lien avec les partenaires sociaux :
- Retraite et épargne salariale : la loi PACTE de 2019 offre actuellement l’occasion aux entreprises de repenser leur stratégie et leur accompagnement des salariés en matière d’épargne salariale, de retraite supplémentaire et de gestion des fins de carrière. L’identification de solutions à court, moyen et long termes, adaptées au contexte de taux bas et de marchés actions incertains, le chiffrage des engagements sociaux et des budgets alloués et l’assistance à la sélection des partenaires assureurs, sociétés de gestion et gestionnaires administratifs, sur des critères techniques et financiers objectifs et indépendants, constituent les actions essentielles de l’actuaire. Il assistera aussi les RH dans le choix de supports financiers performants et adaptés aux profils des salariés et anciens salariés.
- La loi Pacte propose de nouveaux éléments de reporting aux souscripteurs de contrats et en particulier le «rapport annuel sur l’équilibre actuariel et la gestion administrative, technique et financière du plan» (cf. articles L.224-37 et R224-17 du code monétaire et financier) ; cet outil précieux pour les RH contiendra des informations sur les résultats techniques et financiers, les performances financières brutes et nettes de l’ensemble des frais, etc. Autant de points qu’un actuaire expliquera et commentera chaque année aux RH et aux membres des comités de suivi.
Au-delà de ces tâches, l’actuaire participe également, en support des RH, à la fourniture au secrétariat général et/ou aux services communication des éléments à faire figurer dans les rapports annuels en vertu des obligations légales et réglementaires ou des recommandations Afep-Medef.
La réforme des régimes à prestations définies (ex-«article 39»), suite à la transposition dans la loi Pacte d’une directive européenne de 2014, a nécessité la «cristallisation» des droits aléatoires fin 2019 et la mise en place de nouvelles solutions à droits certains pour les années futures. L’absence de cadre précis, dans l’attente de circulaires Urssaf, a obligé les RH, les services financiers, les juristes et les actuaires à faire preuve d’imagination pour mettre en œuvre les dispositions légales tout en respectant les contraintes budgétaires et comptables propres à chaque entreprise. Les prochains mois seront riches en simulations collectives et individuelles et en discussions avec les partenaires assureurs et sociétés de gestion pour affiner les premières solutions envisagées.
Les évolutions en cours sur les régimes de retraite obligatoire («Système Universel de Retraite») induiront de nouveaux besoins au sein des entreprises, certes pour les cadres dont la rémunération est supérieure à 3 plafonds annuels de la Sécurité sociale et pour les mandataires sociaux, mais également pour les autres salariés qui souhaitent disposer d’un accompagnement personnalisé pour préparer leur retraite et fin de carrière dans les meilleures conditions. Les branches professionnelles, globalement absentes des couvertures retraite par capitalisation, pourront jouer un rôle particulier dans la promotion et la mise en place de nouvelles solutions à destination de l’ensemble des salariés.
Santé : les réformes des dernières années, et particulièrement le «contrat responsable» et le «100% santé», ont particulièrement mobilisé les actuaires qui ont mesuré les effets sur les équilibres financiers et recherché le meilleur couple «prix / garanties», à la fois pour les salariés / ex-salariés et pour les entreprises. Le suivi des options retenues par les RH en 2019 constitue un enjeu majeur, au-delà des aspects traditionnels de pilotage des régimes (évolution anticipée des dépenses de santé au global et pour le régime, par nature de dépenses, communication et explication des résultats aux partenaires sociaux, mesure de l’efficacité des campagnes de prévention, etc.).
Prévoyance : les équilibres techniques et financiers des garanties décès et arrêt de travail sont mis à mal depuis quelques années, sous l’effet conjugué d’une évolution défavorable des arrêts de travail et de la baisse des taux sur les marchés financiers. Un pilotage statistique fin des arrêts de travail, des mesures de prévention adaptées et une meilleure prise en compte de la gestion des actifs financiers constituent un préalable à toute hausse tarifaire. L’actuaire aidera les RH à définir et à suivre le cadre d’analyse, voire dans certains cas à faire évoluer les éléments de reporting demandés à l’organisme d’assurance. Malgré les exigences existantes en matière de reporting depuis la loi EVIN de 1989, force est de constater que seules des demandes contractuelles précises et réitérées aux organismes d’assurance permettent aux RH d’obtenir les «bonnes» informations nécessaires au pilotage des régimes, dans des délais raisonnables. En matière de dépendance, les entreprises restent à ce jour globalement à l’écart de la couverture du risque, malgré les solutions proposées par certains opérateurs, notamment pour les salariés aidants. La fin des clauses de désignation depuis quelques années dans les branches professionnelles complexifie souvent les analyses, de même que la «concentration» des branches, présentée dans le rapport Ramain (http://www.galea-associes.eu/2020/02/breve-sur-le-rapport-ramain/), qui induira une évolution des couvertures conventionnelles.
Les méthodes scientifiques à la disposition des actuaires se modernisent rapidement ces dernières années et sont souvent basées sur la data science et les modèles d’intelligence artificielle. De nouveaux défis sont lancés pour améliorer la gestion des risques RH. De nombreux travaux ont déjà été réalisés dans ces domaines, par exemple :
- Absentéisme et arrêts de travail : les analyses modernes plus précises permettent de regrouper des personnes présentant des attitudes voisines face aux risques, pour définir des plans d’actions adaptés au sein de l’entreprise et faire évoluer les couvertures avec les organismes d’assurance. Les politiques de prévention sont encore balbutiantes et de grands progrès sont attendus pour proposer des solutions face aux risques émergents.
- Rémunérations : des grilles internes théoriques peuvent être construites pour mesurer rapidement le niveau de rémunération que devrait atteindre un collaborateur compte tenu de ses caractéristiques. Elles constituent, pour chaque pays ou chaque région, un outil robuste pour établir les politiques de rémunération ou les campagnes de revalorisation annuelle des salaires. Ces grilles complètent utilement les benchmarks externes. Elles trouvent une application particulière dans la recherche et la correction d’éventuelles inégalités salariales entre femmes et hommes (cf. par exemple l’étude : http://variances.eu/?p=2182), au-delà des obligations légales et réglementaires en matière d’égalité professionnelle.
- Dépenses de santé : les nouvelles études prospectives des dépenses de santé, à partir de données anonymisées propres à l’entreprise et de données externes mises à disposition dans des bases Open source, permettent de mieux anticiper les budgets alloués chaque année, d’échanger de manière rationnelle avec les organismes assureurs et de définir les plans de prévention les mieux adaptés. La constitution de «lacs de données» spécifiques au risque santé constitue un enjeu majeur des prochaines années pour mieux maîtriser les risques et offrir aux entreprises de meilleures couvertures et des services de meilleure qualité. A court terme, le reporting offert par les organismes d’assurance et/ou les intermédiaires doit s’améliorer et intégrer toutes les possibilités offertes par les nouvelles techniques, au bénéfice des entreprises et de leurs salariés.
L’ensemble de ces travaux nécessite un travail de proximité entre actuaires et responsables des SIRH d’une part pour définir et collecter les données de manière fiable et sécurisée, et services RH d’autre part pour interpréter et mettre en œuvre de manière concrète les résultats obtenus.
Les champs de collaboration entre RH et actuaires sont nombreux et en constante évolution, toujours au bénéfice d’une politique sociale efficace et d’un budget maitrisé.