Nous c’est l’Humain, pas les chiffres ! Tel pourrait quasiment être le slogan d’une très large majorité de personnes œuvrant dans la fonction RH, ou s’y destinant. En ce sens, demandez à des étudiantes et des étudiants RH comment elles et ils se projettent dans la fonction… D’expérience, la très grande majorité manifeste un large désintérêt s’agissant par exemple des aspects relatifs à la paie, à l’analyse des données, aux tableaux de bord et autres indicateurs RH. Au même titre que les profils mentionnant une appétence particulière pour la dimension «Système d’Informations RH» sont plus qu’exceptionnels.
Or, n’en déplaise à toutes celles et tous ceux qui aspirent en tant que professionnels RH à «accompagner et développer des Humains» et se targuent de ne pas avoir la «culture du chiffre», c’est malheureusement commettre dans ces logiques de pensée, deux erreurs de fond.
La première réside dans le fait de ne pas appréhender qu’en réalité, quel que soit leur champ d’intervention spécifique RH, celui-ci s’articule principalement autour de la notion de traitements de données et d’informations «d’interactions humaines» et de «nature humaine».
Qu’il s’agisse par exemple de données et d’informations identifiées et traitées via des CV ou des profils Linkedin au moment de la sélection de candidats, de celles formalisées sur des supports d’entretiens professionnels, etc. ou encore de données et d’informations générées, perçues et traitées lors d’échanges oraux, ou via les interprétations nées de la prise en compte du «non verbal».
En tout état de cause, si en tant que professionnelles et professionnels RH nous ne captons pas les bonnes informations de «nature et d’interaction humaine», et n’en faisons pas le bon traitement, il ne peut dès lors y avoir une prise de décision RH optimum et la mise en œuvre des actions réellement appropriées, pour accompagner et contribuer au développement des collaborateurs et des collaboratrices de l’entreprise.
La seconde erreur s’apparente elle, au fait que sans une ambition et une profonde volonté de quantifier et de qualifier cette information «humaine», il ne saurait y avoir de dynamique vertueuse d’accompagnement RH et de développement de la valeur contributive de la fonction RH dans l’entreprise. En effet, il est communément admis que l’on n’améliore concrètement que ce que l’on mesure, et sans une culture de la mesure, il ne saurait y avoir d’améliorations RH tangibles et objectives. Ceci implique dès lors pour les femmes et les hommes de la fonction de RH, de viser à imaginer et à mettre en œuvre de réels indicateurs de pilotage RH utiles, utilisables et utilisés, et à les faire évoluer à l’usage, vers toujours plus de pertinence, dans une dynamique d’amélioration continue.
Alors certes, par le passé, la fonction RH pouvait aisément arguer d’un manque d’outils et de moyens informatiques, l’empêchant de mettre en place des dispositifs efficaces de pilotage tant de sa propre performance RH, que de mesure de la part contributive du «facteur humain» à la réussite de l’entreprise. Dorénavant, avec la bascule à la fin des années 2000 dans l’ère digitale, et avec maintenant près d’une décennie marquée par le développement de solutions mobiles, accessibles en temps réel, permettant des facilités d’interactions et de consolidations de données RH et sociales, etc. les excuses ne tiennent assurément plus.
En effet, si nous considérons tour à tour la question des leviers digitaux activables dans une perspective de développement de la performance RH, il apparaît en tout état de cause, que la problématique relève moins aujourd’hui d’un manque de solutions technologiques disponibles, que de volontés et d’ambitions stratégiques à s’inscrire dans ce type de dynamique d’amélioration RH. Et ceci, quelles que soient les typologies d’entreprises, dans le sens où l’accès à des applications, fonctionnalités et plateformes RH en ligne, n’est à ce jour plus l’apanage des plus grosses structures.
Ainsi, en matière par exemple de mesure d’engagement, de QVT, de qualité managériale et RH, nous avons aujourd’hui l’embarras du choix s’agissant des solutions digitales de mesure en continu ou à la demande des feedbacks des collaboratrices et des collaborateurs dans l’entreprise. Qu’il s’agisse d’applications dédiées développées ces dernières années par des startup, de fonctionnalités progressivement intégrées par les éditeurs SIRH historiques, voire pour les plus petites structure, via le recours à des solutions génériques de sondages et formulaires en ligne. Dans le même ordre d’idées, de nouvelles approches digitales permettant de réaliser des cartographies quantitatives et qualitatives des compétences de l’entreprise, par identifications et consolidations de celles-ci directement auprès des salariés et de façon collaborative sont apparues et ont progressivement été proposées au cours de ces dernières années. En parallèle, dans l’optique à la fois d’acquisition et de développement des compétences, l’accompagnement individualisé des salariés en matière de formation, et la mesure de leur progression est devenue plus largement possible et accessible via des plateformes et applications de micro-learning et autres solutions digitales proposant des parcours formatifs, adaptatifs voire collaboratifs, mixant contenus, gamification, évaluations formatives, etc.
La dynamique de digitalisation a par ailleurs également introduit de nouvelles opportunités de mesure des sollicitations RH et d’optimisation des processus et services RH. Ceci, via la mise en œuvre de chatbots au sein des messageries instantanées, des réseaux sociaux internes, des plateformes collaboratives ou encore des portails en self-services RH de bon nombre d’éditeurs.
De nouvelles approches permettant ainsi d’apporter des réponses aux questions les plus récurrentes et habituellement adressées aux gestionnaires et responsables RH; tout en contribuant par ailleurs à faire également gagner la fonction RH en performance opérationnelle de traitements, via l’emploi en complément, de solutions de «Robotic Process Automation».
Enfin, nous pouvons également considérer les possibilités offertes aujourd’hui par différentes plateformes digitales RH, visant à mettre à disposition en temps réel, plus simplement et plus largement aux acteurs de la fonction RH, aux managers, aux dirigeants, etc., un panel d’indicateurs de pilotage RH, personnalisés et personnalisables selon leurs besoins et leurs périmètres de gestion et de décisions.
Qui plus est, au-delà des seuls indicateurs de gestion RH, les éditeurs intègrent progressivement des fonctionnalités et indicateurs s’inscrivant dans des dynamiques de prédictibilité RH, comme par exemple les ratios de risques de démissions des collaborateurs et collaboratrices.
En tout état de cause, les solutions digitales sont donc aujourd’hui susceptibles de constituer de multiples opportunités et leviers de développement stratégique en matière de mesure de la performance et de la contribution RH à la réussite de l’entreprise.
Ceci, en permettant notamment de passer d’un mode de gestion RH fondé jusque là sur des "constats du passé" et conduisant au mieux à des comportements "réactifs"; à un mode de pilotage RH en temps réel, voire d’anticipation et prédictif, avec notamment le développement de l’algorithmique et de l’analytique.
De la sorte, «il reste» pourrait-on dire maintenant, aux femmes et aux hommes de la fonction RH, le soin de développer une véritable culture à la fois vertueuse et positive de la data, de la mesure, du chiffre, et donc de s’appuyer à bon escient sur le digital RH… Gage d’un meilleur et réel «accompagnement des humains» dans l’entreprise.
Or en la matière, il s’agit bien là une nouvelle fois, non pas de s’inscrire dans une logique de pensée «standard» de la fonction RH, et d’une approche purement utilitariste de nouveaux outils à disposition, mais bien dans une logique stratégique et d’innovation RH de rupture, d’un point de vue posture et raison d’être de la fonction RH.
En d’autres termes, le challenge ne réside pas dans le fait d’intégrer dans son équipe RH l’un ou l’autre profil féru de data et d’analytique, afin qu’elle ou il développe de nouvelles approches ou mette en place de nouveaux indicateurs. Ceci, alors même que ses collègues en charge du recrutement, de la marque employeur, du management des talents, de la formation, des relations sociales, etc. ne changeraient rien à leurs pratiques.
Non, le challenge réside tout à l’inverse, dans la capacité individuelle et collective des membres des équipes RH en place, à opérer leurs propres transformations en matière de perspectives et de volontés à véritablement développer de nouvelles approches et compétences. Celles-ci s’inscrivant dès lors dans une culture commune de la data et de la mesure RH, appliquée à leurs domaines d’interventions RH respectifs, tout en s’appuyant sur le digital comme catalyseur de leur performance et de leur professionnalisme.