A première vue, la fonction Ressources Humaines ne semble pas être la fonction la plus innovante. Pourtant, la fonction n’a cessé d’évoluer et aujourd’hui elle est largement impactée par le besoin d’exploiter les données qui lui permettront de répondre aux enjeux de transformation des organisations et au succès de ces dernières.
Dans cette réinvention de la fonction RH, le rôle du DRH doit lui aussi évoluer pour être au rendez-vous des attentes business et devenir un partenaire des dirigeants. Certaines Directions RH sont mieux préparées que d’autres : alors que la transformation est déjà lancée, 51 % des DRH disent avoir besoin d’une meilleure compréhension de la façon dont les technologies émergentes permettront d’accompagner l’évolution des métiers. L’AI va impacter tous les domaines de la gestion des Ressources Humaines.
A mesure que les compétences numériques clés vont se raréfier, les organisations doivent devenir plus centrées sur le développement de leurs propres talents. Il ne fait aucun doute que les services des RH disposent de plus de données que jamais. Les RH plus efficaces seront ceux qui pourront tirer parti de ces grandes quantités de données pour améliorer la productivité et répondre de façon prédictive, et non réactive, à la nécessité d’attirer, de retenir, de développer et d’engager les talents pour disposer en permanence des compétences nécessaires à l’entreprise.
Les DRH avertis ont compris que l’IA est un allié fondamental de par sa capacité à traiter très rapidement de grandes quantités de données pour faire des recommandations personnalisées et des prédictions objectives permettant ainsi d’accompagner les prises de décisions.
IBM a réussi la transformation IA de sa fonction RH en positionnant clairement l’IA au service de la transformation des compétences de l’entreprise. Pour ne donner que quelques chiffres, en 3 ans :
- 80% des compétences des 350 000 employés ont été transformées
- Le nombre d’heure de formation a été multiplié par 3 pour un coût divisé par 2 : IBM demande aux employés de se former 40 heures par an : la moyenne était de 60 heures en 2018 et de 70 heures en 2019
- L’engagement (Net Promoter Score) a augmenté de 17 points
- Le nombre de candidatures a été multiplié par 3 en moyenne depuis le site carrière
Nous allons explorer quelques-unes des innovations qui transforment déjà fondamentalement les RH.
Transformer l’expérience candidat
L’IA permet d’améliorer significativement l’expérience de recrutement du point de vue du candidat en l’aidant à trouver un emploi qui correspondent à ses compétences, ses préférences, son expérience professionnelle, sa séniorité et sa formation. En analysant le CV du candidat et en le comparant à l’ensemble des offres disponibles, l’IA permet en quelques secondes de proposer et de classer les offres les plus pertinentes en intégrant des options auxquelles le candidat n’aurait peut-être pas pensé.
Plus de 40% des candidats considèrent qu’ils sont mal informés pendant le processus de recrutement. L’expérience peut être améliorée par des Assistant virtuels qui permettent au candidat de poser des questions sur la stratégie, la culture de l’entreprise ou même - des questions que le candidat n’aurait pas oser poser lors d’un premier entretien telle que - la rémunération, l’équilibre vie professionnelle/vie privée, les avantages sociaux, etc...
En simplifiant et transformant l’expérience candidat, l’IA augmente le nombre de candidatures (x3 pour IBM) et la qualité des candidatures par l’utilisation de la technologie qui permet de proposer les offres les plus pertinentes au travers d’une expérience plus engageante.
Focaliser les recruteurs sur les candidatures les plus pertinentes
Un recruteur passe en moyenne 80% de son temps à traiter des CVs et passe environ 6 secondes pour analyser un CV, avec pour résultat, un délai de recrutement très long et 40% des managers qui ne réembaucheraient pas leurs récentes recrues.
L’IA permet d’aider le recruteur en recommandant les candidats les mieux adaptés à une offre d’emploi au regard de leur CV, facilitant ainsi le travail du recruteur et en lui laissant plus de temps pour analyser en détail les CVs les plus pertinents. L’IA permet également l’identification et le traitement des biais inconscients d’une organisation comme le sexe, l’âge, la formation, l’emploi antérieur …
L’IA peut même aider à dessiner le profil des candidats qui correspondent à ceux qui réussissent le mieux dans l’entreprise et à fournir au recruteur un «Success Score» qui est la comparaison du profil du candidat avec ceux qui réussissent le mieux dans l’entreprise, en complément du «Matching Score» qui évalue le niveau d’adéquation candidat / poste en s’appuyant sur l’analyse des compétences, de la formation, de l’expérience, de la séniorité.
L’IA permet également d’analyser les recrutements pour identifier les profils les plus complexes à trouver dans un bassin d’emploi donné et faire des recommandations au recruteur.
Faciliter l’intégration des nouveaux embauchés
Une fois qu’une personne a rejoint une organisation, les assistants virtuels peuvent assumer des tâches de base d’intégration, répondant à des questions simples que se posent tout nouvel embauché sur la paie, les processus, l’environnement de travail, comment trouver des experts, …
Créer une culture de formation en continu
Les métiers se transforment de plus en plus rapidement, une récente étude d’IBM montre qu’en moyenne 50% des compétences deviennent obsolètes au bout de 5 ans. Bien qu’il y ait un consensus autour de l’importance de la formation (84% des dirigeants la considèrent comme très importante), une étude d’IBM pointe le manque d’efficacité des solutions actuelles pour engager les employés et créer une culture de formation en continu :
- 73% des entreprises pensent que leurs programmes sont inefficaces, malgré l’augmentation des investissements
- 66% des professionnels formation ont des difficultés à engager les apprenants
- 68% des employés pensent que les contenus de formation sont trop nombreux et qu’ils ne s’y retrouvent pas
L’accélération du cycle de transformation des métiers et des compétences ne permettent plus d’organiser la formation comme un processus annuel descendant dans lequel les employés se voient prescrire une formation conçue «en laboratoire» qui vont lui permettre d’évoluer au sein d’une carrière linéaire ou avec d’éventuelles passerelles prédéfinies.
L’IA permet une approche continue de la formation et du développement des compétences, en permettant d’organiser, de tagger et de curer un volume très important de contenus de toute taille et de toute nature, comme des articles, des podcasts et des vidéos, pour les proposer à l’apprenant, sous forme de recommandations personnalisées. L’IA permet en particulier :
- Faire des recommandations personnalisées en fonction du profil de la personne, de ses aspirations et ses centres d’intérêts (métiers et compétences stratégiques), de ses préférences (vidéo, texte,...), de ces souhaits d’évolution (mobilité, évolution de carrière)
- Analyser les commentaires pour d’ajuster les contenus et maximiser la complétude de formations suivies (augmentation de 57% dès la première année chez IBM),
- Proposer une «recherche élastique» qui va plus loin que la recherche sur mot clé et permet de proposer la dizaine de contenus les plus pertinents par rapport à sa recherche, plutôt que de longues listes décourageantes. Au quotidien, c’est la rapidité pour trouver la réponse pertinente à un besoin immédiat qui fait qu’une personne va utiliser les ressources de la formation ou chercher une solution en dehors de l’entreprise.
- Tagger et curer les contenus de formations pour ne proposer que des contenus pertinents, utiles et à jour. En effet, pour créer une culture de formation en continu, il faut multiplier les formats et les contenus – incluant des contenus créés par des experts - de manière très significative. Pour gérer cette masse croissante de contenus qui deviennent plus rapidement obsolètes, il est nécessaire de se doter d’un dispositif et d’un outillage à base d’IA pour le tagging et la curation.
Dans la formation en particulier, l’IA est un levier qui s’accompagne d’une évolution des métiers. La formation doit renforcer son rôle de transformateur de compétences et devenir plus proche du besoin au quotidien des utilisateurs pour les accompagner dans un environnement de plus en plus complexe, avec un besoin d’expertise de plus en plus pointu et un cycle d’évolution des compétences qui s’accélère. Pour répondre à ces enjeux, la formation doit devenir plus agile, pertinente, engageante et personnalisée et s’intégrer dans le quotidien des employés. Pour atteindre cet objectif, les services formation doivent, en particulier :
- Se doter de compétences Agile, Design Thinking,
- Développer une expertise sur l’évolution des métiers
- Être en veille permanente sur les innovations technologiques et pédagogiques qui favorisent l’engagement,
- Développer une expertise sur les contenus sur étagère et sur l’assemblage pour proposer le meilleur mix de contenus permettant d’optimiser l’efficacité et le temps d’acquisition d’une compétence
- Développer des compétences marketing pour optimiser l’attractivité, la pertinence et la consommation des contenus.
Permettre à chacun de devenir acteur de son développement de carrière
Dans un contexte de forte évolution des métiers, ou les évolutions de carrières se font selon des parcours de plus en plus divers, où les personnes changent plus facilement d’entreprise, et où l’intérêt de l’emploi et les perspectives de développement sont des critères fort d’engagement et de fidélisation, il devient critique de susciter et de donner les moyens à chacun de devenir acteur de son développement de carrière.
Pour toutes ces raisons il est indispensable de donner des repères et permettre à chaque employé de se projeter au sein de l’entreprise. L’IA s’avère être une aide précieuse pour l’employé :
- En l’aidant à identifier ses compétences et à s’évaluer
- Au travers de simulation des différentes options de carrière, de recommandations personnalisées de mobilité sur un poste vacant, correspondant à ses compétences et ses aspirations
- Dans sa prise décision en indiquant le niveau de d’adéquation de son profil par rapport au poste visé, le nombre de personnes du même profil ayant suivi la même évolution
- Au travers de recommandations de formations pour se préparer au poste ou à l’emploi qu’il cible.
L’IA ne doit pas pour autant désincarner la fonction RH qui doit se réinventer. En effet, le manager doit avoir un rôle clé dans l’accompagnement de l’évolution de son équipe au travers un dialogue permanent. La RH et le manager doivent définir et anticiper les moments clés dans le parcours de chaque employé, être proactif et permettre à la RH de pleinement jouer son rôle de conseil en développement professionnel.
Prévenir l’attrition
Les experts s’entendent pour dire que dans les décennies à venir, il n’y aura pas assez de personnes qualifiées pour pourvoir les emplois disponibles. Diane Gherson , DRH d’IBM Corporation, confirme que «le talent est une question primordiale, il est donc très important d’attirer, développer et continuer d’améliorer les compétences des employés, retenir les meilleurs pour gagner».
Malgré plus de 7 000 candidats qui rejoignent chaque jour IBM, la rétention est cruciale du fait de la pénurie de talents technologiques, en particulier en IA et en cyber sécurité.
IBM a développé un algorithme à base d’AI permettant de prédire quels employés ont des risques de départ élevés. Au début, la plupart des RH étaient sceptiques à l’idée que les algorithmes puissent être plus perspicaces qu’eux dans la détermination des intentions de leurs employés, puis, «nous avons commencé à recevoir ces petites notes de RH disant : Comment le savez-vous ?»
Au-delà de l’identification des personnes à risque, comme l’IA est en mesure de détecter les compétences des employés, elle peut recommander aux RH des mesures à mettre en œuvre — souvent liés à la poursuite du développement des compétences — afin de les retenir. En aidant les employés à acquérir de nouvelles compétences, les RH renforcent l’engagement et augmentent la satisfaction des employés, ce qui est clé dans un contexte de compétences rares.
Transformer la discussion salariale de fin d’année en une conversation dynamique
Dans un contexte de transformation permanente, il est important de délivrer la performance au quotidien tout en préparant l’avenir. C’est la raison pour laquelle les systèmes de reconnaissances et d’augmentations individuelles doivent devenir multidimensionnels pour intégrer la transformation des métiers et des compétences.
L’IA transforme la discussion salariale de fin d’année en une conversation dynamique sur les compétences et la réinvention, en fournissant des faits et des chiffres objectifs sur des éléments tels que les compétences acquises au cours de la dernière année, le prix de marché pour son métier, le défi que constituerait le recrutement d’un remplaçant, le risque d’attrition et la performance opérationnelle.
Améliorer la productivité des employés
L’IA peut stimuler la productivité en facilitant la recherche d’une compétence, d’un expert ou en encourageant un feedback régulier. Les collègues, le manager peuvent faire des commentaires en temps réel après une réunion ou la réalisation d’un projet, qui peut par la suite susciter des conseils, une formation, le développement d’une compétence, voire éclairer la progression de carrière.
L’IA peut, au travers des processus intelligents, par exemple intégrée à un chatbot, permettre de simplifier et réduire les tâches administratives quotidiennes qui prennent du temps aux employés, comme : consulter et mettre à jour un solde de congés, répondre à une question, accéder à un système, ….
Anticiper l’évolution des métiers et des compétences
Le référentiel des Emplois et Compétences est un des piliers de la stratégie IA des Ressources Humaines.
Si toutes les études montrent l’impact positif de du référentiel Emplois et Compétences sur le recrutement, la formation, l’engagement et la rétention, la création et la maintenance d’un tel référentiel sont complexes, couteuses et très consommatrices de temps. La plupart des entreprises qui ont développé ce référentiel font, au mieux, une mise à jour complète tous les 2 à 3 ans, ce qui est largement incompatible avec l’accélération du cycle des compétences.
L’IA permet, par l’analyse des principaux sites de recrutement, d’identifier les compétences et métiers émergeants. Cette matière peut alors être traitée par des experts pour mettre à jour «en temps réel» le référentiel.
Le référentiel Emplois et Compétences est souvent intégré dans les processus et les systèmes RH des entreprises, il n’est donc pas aussi facile de le changer.
L’IA permet d’apporter une aide en rapprochant et comparant les référentiels, permettant de repérer les Emplois qui se ressemblent et d’évaluer leur taux de similarité.
Faciliter la détection des compétences des employés
Connaître les compétences des employés est un enjeu majeur des entreprises, et force est de constater que dans la plupart des entreprises, ces données sont peu alimentées, rarement cohérentes et à jour. L’accélération de la vitesse de transformation des métiers des compétences ajoute encore à la difficulté.
L’expérience d’IBM, partagée avec de nombreux clients, montre que pour avoir un profil de compétences des employés à jour, il faut :
- Disposer d’un référentiel de compétences à jour, en particulier pour les métiers et compétences stratégiques
- Cibler les compétences que l’on veut piloter et qui doivent être en lien avec les compétences stratégiques
- Fournir une aide fondée sur l’IA, qui, sur la base des activités et des informations disponibles, facilite la détection des compétences
- Centraliser à un seul endroit les badges, reconnaissances, expertises, activités, …, permettant à chaque employé de valoriser son expérience
- Motiver les employés dans la mise à jour des compétences en leur apportant de la valeur par des recommandations plus personnalisées de formation, de badges digitaux, de mobilité professionnelle, de simulation de carrière
IBM a mis en place une solution d’identification automatique des compétences qui propose aux employés les nouvelles compétences acquises avec niveau d’expertise associé. Chaque employé à la main pour ajuster le niveau d’expertise. Cette identification s’appuie sur l’analyse de 22 sources de données différentes et plus de 23 millions de documents. A ce jour, le niveau de pertinence des compétences détectées par l’IA est de 85% chez IBM.