La mise en œuvre des solutions technologiques à base d’IA est relativement simple d’un point de vue technique, en revanche de telles solutions – permettant de créer une expérience personnalisée, engageante et utile - induisent de nouvelles façons de travailler et la mise en place d’une nouvelle culture.
Remarque : si la mise en œuvre de solutions RH à base d’IA est assez simple, il n’en est pas de même de leur développement par les fournisseurs d’applications. En effet les algorithmes - CV vers offre d’emploi, recommandations de formation en fonction du profil, simulation de carrière, détection automatique de compétences, … - font souvent appel à une grande technicité.
La création de ces solutions implique assez souvent la mise en œuvre de plusieurs technologies, de plusieurs modèles d’algorithmes ; elle suppose de disposer d’un volume important de données pour l’apprentissage, de décliner l’apprentissage en plusieurs langues avec la prise en compte de spécificités locales (ex. nomenclature des diplômes français), de gérer la traçabilité des recommandations, de gérer les biais, …
Le passage à l’échelle de l’IA dans les entreprises est moins un défi technologique qu’une question de culture et de gestion du changement.
Porter la vision au sein de l’entreprise et donner du sens aux transformations
Comme pour tout changement majeur, les employés peuvent être effrayés, inquiets et résistants, ou tout simplement ne pas s’y intéresser : 34 % des dirigeants considèrent l’inertie des employés comme un obstacle culturel à la transformation. La façon dont les dirigeants introduisent l’IA influence la réceptivité des employés : il est fondamental de donner du sens à la transformation, d’être transparent sur l’évolution des métiers et d’expliquer ce que l’entreprise met en œuvre pour permettre à chacun de se transformer. En particulier, il doit être clair dès le début que l’IA est un moyen de rendre l’entreprise plus innovante, d’accompagner la transformation des métiers et des compétences et n’a pas comme unique finalité de réduire les coûts. L’IA va transformer notre cadre de travail, elle va transformer des métiers, en faire disparaître certains, mais surtout en créer de nouveaux.
La mise en place de l’IA n’est pas un projet technologique, elle change les façons de travailler et représente un changement culturel. Le DRH doit partager sa vision, montrer la direction et s’ouvrir aux idées de tous les employés : pour réussir, il faut donner du sens à la transformation, communiquer de manière transparente, donner aux employés les moyens de se projeter dans l’entreprise, démontrer par l’exemple et transformer de manière agile et continue.
Devenir un expert de l’expérience
Dans un monde en transformation permanente, le rôle de la RH ne peut plus se résumer à recruter, pousser des formations «obligatoires», évaluer la performance et faire respecter les politiques RH.
La RH doit devenir un expert de l‘expérience employé pour, d’une part, attirer, engager et fidéliser les employés et, d’autre part, créer une culture autour des compétences. Les RH doivent également être le catalyseur de transformation de la culture et des valeurs, responsables de l’établissement d’un environnement favorisant la collaboration et l’innovation.
Parallèlement, le DRH doit travailler avec le Marketing et la communication afin de bâtir une marque employeur pour attitrer des candidats, qui ne baseront plus leurs décisions pour rejoindre l’entreprise sur uniquement la rémunération, l’emploi ou la localisation, mais également sur les valeurs, la stratégie, la culture et la capacité à les faire évoluer.
Adopter les nouvelles technologies : un investissement d’avenir avec un ROI rapide
Il est important, en complément d’une vision et d’une communication claire, que le DRH démontre, au travers de projets, la valeur de l’IA et puisse en mesurer les impacts.
Josh Bersin a été un des premiers analystes à mettre en avant l’évolution des systèmes d’information RH sur le modèle des systèmes clients des entreprises. Dans cette vision le système d’information RH se voit complété d’une couche applicative dont la finalité est de créer une expérience employé favorisant l’attractivité, l’engagement, la fidélisation, la création d’une culture autour des compétences, la responsabilisation et l’autonomie de chacun dans son développement.
Cette couche technologique, parfois appelée «plateforme d’expérience» - qui se positionne en complément du Système d’Information RH - utilise les mêmes technologies que les portails client des entreprises, à savoir : chatbot, IA, micro-services, containers, cloud, APIs. Le système d’information RH traditionnel restant focalisé sur la gestion des transactions et le traitement des informations structurées (20% des données RH).
Bien sûr, la mise en œuvre d’une «plateforme d’expérience» à base d’IA a un coût, cependant :
Les technologies à base d’IA se mettent en œuvre de manière agile et progressive, permettant de mieux cibler la valeur et le retour sur investissement ,
Il s’agit d’un investissement important pour l’avenir de l’entreprise.
Intégrer les nouvelles façons de travailler : Agile et Expérimental
Dans une étude récente d’IBM , les dirigeants ont classé la «volonté d’expérimenter» comme l’un des critères les plus importants pour réussir dans un monde en transformation permanente. Une culture agile et expérimentale est essentielle au succès à l’ère de l’IA, en effet les entreprises ne peuvent plus se réinventer en permanence avec une approche descendante à grande échelle.
Dans un monde en permanente transformation, la vitesse est une compétence clé pour réussir : la vitesse d’exécution doit primer sur la perfection. L’accent doit être mis sur une transformation rapide et itérative à travers de petits projets courts qui traitent des problèmes métiers concrets sur la base de solutions co-créées avec des employés aux prises avec ces problèmes au quotidien.
Lorsque ces projets sont des succès, ils doivent être rapidement déployés au sein de l’entreprise ; quand ils ne le sont pas, l’équipe doit apprendre de cet échec et lancer un autre projet.
Cette approche implique de repenser l’environnement de travail, de donner la priorité à l’autonomie des employés, encourager les structures de travail agiles et transverses aux organisations.
Développer l’expertise autour de la donnée et de l’IA pour mieux partager la fonction
Là où hier, les RH s’appuyaient principalement sur des processus et une approche qualitative, ils doivent aujourd’hui enrichir leurs décisions avec l’analyse des données et d’avantage partager la fonction avec des employés plus autonomes dans leurs choix de développement et des managers comptables du développement et de la réussite de leur équipe.
Cette transformation n’est pas facultative, car elle permet à la RH de devenir le catalyseur de la transformation continue des compétences et de la culture, au service de la transformation digitale de l’entreprise qui devient à la fois une transformation permanente et émaillée de ruptures.
Nous sommes au début d’un long voyage avec l’IA et il est impossible de prédire où nous allons nous retrouver. Mais une chose est sûre : les RH sont un endroit passionnant. Les RH sont susceptibles de changer plus fondamentalement au cours des 3 prochaines années qu’au cours des 30 dernières, et il y a besoin de professionnels passionnés et motivés pour guider l’entreprise et naviguer dans ce nouvel environnement.
Donner confiance en l’IA : être clair sur les apports et limites, traiter les biais, démontrer
La crainte des biais de l’IA est légitime car tout le monde a en tête l’exemple d’une initiative basée sur un auto-apprentissage qui a dû être arrêtée très rapidement à cause de biais introduits par des personnes malveillantes. En fait, l’IA peut réduire ou renforcer les biais, selon la façon dont elle est conçue. Les solutions RH à base d’IA proposées par IBM ont des algorithmes qui permettent d’anticiper et de corriger les biais, s’appuient sur un apprentissage supervisé qui évite les dérives et des outils de reporting permettant de vérifier l’absence de biais.
A contrario, l’IA permet d’éviter certains biais inconscients. Lors de tests sur le recrutement, nous avons constaté que l’IA proposait des postes à des candidats auxquels personne - ni le candidat, ni le recruteur - n’aurait pensé. Dans un premier temps, les recruteurs ont considéré qu’il s’agissait d’une erreur de l’IA. Après analyse, les recruteurs ont trouvé les propositions pertinentes et les candidats étaient intéressés par les propositions faites par l’IA.
Il en est de même pour la mobilité ou le développement de carrière pour lesquels la RH est souvent structurée par filière métier et par conséquent ne va spontanément proposer une évolution dans une autre filière métier.
Les solutions d’IA doivent être impartiales, proposer des algorithmes transparents et, surtout, rester une aide à la décision : l’humain doit garder son rôle et faire partie de l’équation, vous éviterez ainsi les préjugés.
A l‘ère du numérique les barrières d’entrée sont baissées et n’importe quelle startup peut créer un modèle en rupture qui pourrait, du jour au lendemain, fortement bousculer le business d’une entreprise établie. Les dirigeants le savent bien et ont compris qu’il est critique de se doter d’une main-d’œuvre agile et qui se réinvente en permanence pour répondre aux changements technologiques qui vont transformer l’expérience des consommateurs et, par effet de ricochet, le business model des entreprises.
Créer une culture autour des compétences est nécessaire et de la responsabilité du DRH. Dans cette culture, les employés doivent considérer qu’il est de leur responsabilité de se réinventer et de chercher les compétences nécessaires pour réussir.
Sans abandonner son rôle de conseil en développement de compétences et de carrière au travers d’une connaissance accrue des métiers de l’entreprise, la RH doit leur mettre à disposition des employés :
- Les moyens de comprendre l’évolution des métiers, les compétences et métiers stratégiques de l’entreprise pour l’avenir
- Les outils qui leur permettent de se projeter dans l’entreprise et de devenir acteurs de leur développement, à savoir, des recommandations personnalisées de formation, une visibilité sur les postes vacants qui peuvent correspondre à leur profil de compétence, des simulations de carrière.
L’IA est un allié de la RH, car combinée avec l’expertise des professionnels RH, elle permet de traiter de manière efficiente des sujets où les méthodes et solutions actuelles se sont avérées peu efficaces :
- Le recrutement coûte cher, prend beaucoup de temps et est risqué ; l’IA va aider à améliorer la qualité et l’efficacité du recrutement et permettra des gains substantiels
- Alors que cette connaissance est critique, les entreprises connaissent très mal les compétences de leurs salariés et leur profil dans les systèmes RH est très pauvre au regard de celui que l’on trouve sur les réseaux sociaux professionnels externes à l’entreprise
- La formation représente un des premiers budgets de la RH avec un rapport coût / efficacité assez défavorable. L’IA va permettre de créer une culture de formation en continu qui va permettre des gains substantiels en exploitant des contenus plus courts, plus ciblé, plus pertinents, plus digitaux,
- La mobilité est un processus qui ne fonctionne pas dans une grande majorité des entreprises alors qu’avec l’accélération de la transformation des compétences, dynamiser la mobilité est critique pour positionner la bonne personne au bon endroit,
- La gestion des carrières telle que pratiquée dans les entreprises est en train d’atteindre ses limites avec l’accélération de l’évolution des métiers et la pression constante sur les coûts de la fonction. L’IA permet d’offrir des outils qui permettent à chacun de se projeter et de s’approprier son développement.
L’IA est paradoxalement une opportunité de remettre l’humain au centre de la fonction RH en exploitant les forces de cette technologie, en complément des compétences du DRH, au service d’une entreprise apprenante prête pour affronter un avenir incertain.