On peut être DRH de grande institution, philosophe et biker comme en témoigne la photo. Ce qui compte c'est d'avoir une vision du monde, de son environnement, de l'évolution de l'homme qui, à un moment rejoigne sa pratique quotidienne. On appelle ça de la congruence... une véritable qualité pour tout DRH qui se respecte... - La rédaction
L’Homo en Marche
L’Homo Sapiens c’est l’espèce actuelle qui règne sans partage sur Terre. Elle est apparue dans les 300 000 ans pour finir 100 000 ans plus tard par supplanter les autres tentatives d’hominidés. Comme les Néandertaliens qui ne subsistent plus que par quelques gènes dans le génome humain. La place étant libre et la Nature le soumettant à rude épreuve son cerveau se développe à vive allure pour aboutir au niveau d’aujourd’hui. Sapiens, le sage, devient le Penseur. L’Humain devient l’Homme moderne, aujourd’hui il se veut l’Etre Humain. Il a tout inventé, de l’agriculture à Dieu, du Feu à la médecine, de la peinture rupestre au Rock’n roll.
Tout le monde connait cette image des petits bonshommes en marche depuis le singe et qui se redressent jusqu’au dernier, l’homme moderne qui marche comme Cro-Magnon en plus élégant. Belle allégorie du progrès où celui qui marche bien droit est forcément plus beau que l’hominidé qu’on sent encore prêt à grimper aux arbres. Est on sûr que pour autant le chimpanzé n’était pas heureux ? Après tout avant que l’Homme ne marche sur la Lune le singe a marché sur la Terre. Quoiqu’il en soit où va le Sapiens de ce pas gaillard ? Un mur ? Un gouffre ? Ou tout simplement le canapé moelleux où il finira sa journée ?
Et s’il n’allait pas ? S’il ne marchait plus ? Marcher n’est pas un but en soi. Qui s’est demandé où vont les petits bateaux qui Maman ont-ils des jambes ? Vers quel avenir radieux se dirige le Sapiens ? Eh bien il ne va plus nulle part. Il ne gambade plus. Parce qu’il vient de s’asseoir. Précisément devant un écran car aujourd’hui l’homme moderne est branché. Il est sur les réseaux sociaux. Le Sapiens est devenu Sapiens Social. Et s’il bouge encore c’est grâce à son téléphone portable, le seul dans cette histoire à être mobile. C’est une Révolution.
De la Tentative
Des Révolutions il y en a déjà eu. Mais pas tant que ça à l’échelle de la planète. Contrairement à une idée bien ancrée les révolutions des idées ne sont pas planétaires. Ni les Lumières, ni Marx ou les religions n’ont conquis à eux seuls la Terre entière. Ne le dites pas aux Baby-boomers nostalgiques de leur jeunesse mais Mai 68 n’a pas bouleversé grand monde au-delà de l’Hexagone. On pourrait disserter sur des faits de civilisation qui ont transformé le monde, comme le réfrigérateur ou la machine à laver. A coup sûr ils ont libéré les individus, mais ils n’ont pas modifié durablement leur rapport à leur société. Il n’y a pas eu de Sapiens Frigidairens quand bien même la conservation des aliments a toujours libéré l’Homme et permis qu’il s’occupe d’autre chose.
Deux Révolutions ont bouleversé la Civilisation. L’invention de l’Ecriture d’abord qui clôt la Préhistoire. Il y a dans les 5 500 ans sur des tablettes en argile. Sapiens va pouvoir dépasser ses capacités de mémorisation dans un monde qui se complexifie. Et répondre à des exigences pragmatiques comme échanger des informations, tenir ses comptes ou célébrer son histoire. Toute la Société va s’en trouver bouleversée mais pour le moment au seul bénéfice d’une minuscule élite maitrisant l’écriture. Les premiers scribes étaient des prêtres et ce n’est pas par hasard.
Attendons 5 000 ans pour qu’arrive ensuite Gutenberg dont on connaît l’invention de génie. En Europe car ailleurs on avait déjà trouvé l’imprimerie depuis bien longtemps. Bien des choses se sont passées entre-temps et pas des moindres. Mais dans un seul sens, la prise de pouvoir sur la Société par les sachants, ceux capables de prendre à leur profit toute la mesure de l’Ecriture. Il n’y a que les moyens qui ont changé au fur et à mesure du perfectionnement des outils, les armes surtout. L’Imprimerie change la donne. C’est toujours de l’Ecriture qu’il s’agit mais le groupe d’individus y ayant accès se multiplie et grandit considérablement. Tous ceux qui savent lire vont procéder des mouvements profonds qui agiteront la Société. Les autres qui ne savent pas lire, l’immense majorité, continueront de faire ce qu’on leur dira de faire. Comme l’illustre un adage du 18e siècle : Cujus regio, ejus religio ; le peuple doit avoir la même religion que son roi, de toutes façons il ne sait pas lire et ne peut donc se faire une idée par lui-même.
Le monde continua cahin-caha sans bouleversements majeurs autres que l’invention de la poudre à canon, de la machine à vapeur ou du Coca Cola jusqu’à l’arrivée d’Internet. Le fait majeur ce n’est pas la machinerie inventée et développée dans les années 60 – 70 par des universitaires fous, ni même en soi l’arrivée du Web dans les années 90. C’est au tournant du siècle l’expansion du large réseau mondial d’ordinateurs que nous connaissons aujourd’hui qui change la donne. Et surtout des innombrables applications qui le peuplent. On parle d’un milliard de sites Web en 2014. Créant ainsi un accès mondial à l’information et aux communications. Sapiens allait pouvoir s’asseoir devant son écran et s’en donner à cœur joie. Voici venir l’Homo Social.
La Tentative est transformée et une troisième Révolution pouvait démarrer.
Pourquoi une 3e Révolution ? Parce que trois choses allaient changer : le Quoi, le Quand et le Si. Le Quoi : tout le monde peut accéder à toute l’information. Il ne suffit pas de savoir lire, il n’y a qu’à cliquer et toute la connaissance de l’Humanité (plus les fake news) est disponible. Le Quand c’est le grand chambardement : c’est quand je veux. Non seulement ce que je veux mais à ma convenance, au moment où je le décide. J’ai envie de regarder un match de rugby, je le regarde, mais je peux arrêter à tout moment et rechercher un blog sur Léonard de Vinci pour sauter à un achat par correspondance avant d’aller sur un site de cuisine. Le réseau social est une immense agora ouverte en permanence. Et surtout le Si. C’est si je veux et seulement si je veux. C’est mon libre arbitre de regarder ce que je veux quand je veux. Si je veux je ne regarde rien du tout, si je veux je zappe, si je veux je partage. Certes on pouvait fermer le livre imprimé, le reprendre ou en parler autour de soi mais l’accélération des réseaux sociaux est incommensurable.
De la Tentation
Ce Sapiens des réseaux sociaux, qui regarde ce qu’il veut, quand il veut et si il le veut, pourrait avoir un nom : l’Individu. L’Homo devenu l’Etre humain pour ses facultés de raison devient l’Individu. Celui qui maitrise son accès à l’information. Il n’y a plus de sachant pour lui dicter sa conduite. Il est son seul maître, maître de son destin. En tous cas peut-il le croire. Formidable Liberté. Il faut bien mesurer qu’il ne s’agit pas là de rêveries académiques. Ni d’ailleurs du privilège d’une classe d’âge, la supercherie de la Génération Y a fait Pschitt. Tout le monde est concerné. Grands et petits, jeunes et vieux, intellos et manuels tout le monde va sur les réseaux sociaux. A sa façon, comme il le souhaite. Peu importe la facilité d’utilisation, ne pas confondre Individu social et Geek. Il y a des machines avec des gros boutons pour les plus seniors et ils savent bien aller naviguer à leur rythme sur le Web. Peu importe que leurs petits enfants y naviguent plus rapidement pour y chercher de toutes façons d’autres choses. La nouveauté c’est que tout le monde y est. En toute individualité. Nous sommes dans le monde des Réseaux sociaux.
Pourquoi une Révolution ? Une machine même très innovante ne fait pas la révolution. Pas plus qu’un système même à l’échelle de milliards d’individus. Le grand bouleversement c’est l’impact global sur l’individu. Avec le Quoi le Qui et le Si tout le monde en est changé, « Et » chacun l’est profondément et durablement. Il y a de la dialectique dans ce « Et ». Il n’y aurait pas eu Révolution si ces extraordinaires possibilités nouvelles en étaient restées au plan du supplément d’âme, de la modernité ou du confort. Comme tant d’innovations plus ou moins indispensables. Au contraire elles ont profondément impacté notre quotidien. Notre façon de vivre et au-delà de se projeter dans la Société ont été bouleversées. Il y a un avant et un après. Et chacun comprend bien que c’est tout notre rapport à l’autre, aux autres, qui a changé. J’ai toute ma Liberté de prendre les informations comme je veux, de penser par moi-même et de me faire mon opinion, et même d’en changer ou de ne plus y penser. Chacun est au centre de son propre système.
Avec cet Homo Social, l’homme des réseaux sociaux, rien ne sera plus comme auparavant. Parce qu’il a changé bien sûr. Mais surtout parce qu’il a conscience d’avoir changé. Il ne le revendique pas, il le sait. Un fait, pas un droit. C’est ainsi on ne le traitera plus comme avant. Il ne s’agit pas là d’une pétition militante. Non, simplement un état de fait, une réalité. Cette Liberté nouvelle matérialisée par la totale liberté de circulation sur la Toile a engendré une approche du monde, de la Société, du rapport aux autres, tout à fait nouvelle. Il ne faut pas imaginer un seul instant que l’Homme social laisse sa Liberté à la maison quand il part au travail. Qu’il acceptera des modes de communication, d’accès à l’information ou de relations comme avant. Cette Liberté il veut la retrouver dans son travail. Ce qui vaut pour l’entreprise vaut pour toutes les relations humaines. Liberté de refuser les discours établis, les hiérarchies illégitimes ou les informations formatées. Le « dégagisme » ou « l’Ubérisation » en sont des preuves parmi d’autres.
Maintenant libre, bien des Tentations sont offertes à l’Homme des réseaux sociaux
La Tentation c’est traditionnellement l’attrait vers quelque chose de défendu par une loi morale ou religieuse, l’incitation au péché ou à la révolte contre les lois divines. Délivrez nous de la Tentation… Voilà bien une barrière en voie d’effondrement. La Liberté nouvelle ne s’embarrasse plus guère de Dieu et ses interdits. La voie est libre pour d’autres Tentations : Tout ce qui tente, attire, incite à quelque chose, crée le désir, l'envie. Je suis Libre, affranchi des contraintes du collectif, individualiste, c’est le moment ou jamais. L’Homme Social, avatar imprévu des Soixantehuitards, va pouvoir jouir sans entrave de sa liberté sur la Toile. Voilà bien un endroit où il est interdit d’interdire. Il y trouvera ce qu’il voudra, ira où il voudra, à sa convenance et au final pourra y lire et y dire ce qu’il veut. Tout ce qu’il veut. Quelle délicieuse Tentation de Venise, de se consacrer à autre chose, de changer de vie. Au moins virtuelle.
C’est quoi au fond un Homo Social ? Une personne qui a conscience de sa capacité à utiliser librement les réseaux sociaux. Cette possibilité librement ouverte implique deux choses. Premièrement qu’elle n’imagine pas qu’on puisse l’en priver. Aller naviguer sur la Toile est une évidente Liberté. Ce qui a notamment pour conséquence concrète qu’elle n’imagine pas cesser de naviguer quand elle est hors de sa sphère privée. Et deuxièmement qu’elle y fait ce qu’elle veut. Elle seule décide où elle va, ce qu’elle consulte ou ce qu’elle dit. Autrement dit elle n’envisage pas que soit porté un jugement de valeur sur son activité sur le Web. Ce qui signifie que cette Liberté n’est pas vertueuse. En tous cas pas forcément. L’Homo Social s’arroge le droit du meilleur ou du pire. Ou plus probablement parfois de la paresse intellectuelle, de la facilité ou de l’absence d’ambition.
De la Vertu ?
Et après ? Que va-t-il se passer ? Le meilleur ou le pire. Désormais chacun peut s’exprimer, rejoindre sa communauté, dire ce qu’il veut avec qui il veut. Rien ne prouve que ce sera forcément vertueux. Avec du courage et de la volonté il est légitime de penser que des débats fructueux vont surgir, s’enrichir des différences, faire avancer tout le monde et chacun dans la confrontation du collectif à l’individu. Mais à défaut il n’y a aucune raison que le Web produise grand-chose. Du bla-bla sans fin où chacun s’écoute parler dans le miroir de sa propre vacuité. Beaucoup de conformisme dans le grand chuchotement avec la pensée dominante en guise de révolte. Parler pour ne rien dire voilà une possible conquête de l’Homme. Voire pire.
L’Homme Social face à la Toile peut grandir et continuer sa marche en avant. Il peut aussi bien devenir un Clone.0 du beauf devant sa télé avec ses cannettes qui l’a précédé. Chacun sera responsable de ce qu’il va produire sur la Toile. Toutes les Tentations s’offrent à l’Homo Social. Debout ou avachi. A lui de choisir.