Le Colloque « La légitimité de l’autorité » organisé par ANDRH Ile de France, en association avec la Direction des Ressources Humaines de l’Armée de Terre, c'est tenu le 24 mai 2019 au Cercle Militaire Saint Augustin à Paris. Quelques éléments remarquable sur ce colloque.
L'objectif de l’invitation est limpide : Les nouvelles aspirations des salariés, l'irruption de l'intelligence artificielle et les bouleversements sociétaux rythment notre quotidien et chamboulent les rapports humains au sein des entreprises et des organisations. L'ancien monde sombre, le nouveau monde reste à bâtir. En particulier, la légitimité de l'autorité et le fait managérial vacillent. Ils sont profondément questionnés, remis en cause et contestés. Une chose est sûre : ils sortiront réellement transformés des changements complexes que nous vivons à tous les niveaux. Mais alors, que devient l'autorité ? D'ailleurs existe-t-elle encore ?
Un nouveau type de management est-il vraiment en train de se forger ? Sur quelles fondations et sur quels principes ? Quelles en seront les conséquences ? Quel rapports sociaux et sociétaux dessine-t-il ?
Et, à ce propos, nos sociétés ont elles déjà vécu des ruptures semblables ? Si oui, quelles leçons en tirer ?
Le coup d’envoi est donné à 13h30 alors que plus de 250 personnes occupent une très belle salle de cet établissement bien connu des parisiens. Charlotte Duda, ex-DRH et ex-présidente Nationale de l’Andrh (historiquement la seule femme d’ailleurs dans cette fonction) et organisatrice de ce rendez-vous et Pascal Bernard, Président de l’Andrh Île de France et DRH des Ministères Sociaux, accueillent David Abiker en charge de l’animation, qui, à son tour, présente Antoine Foucher le Chef de Cabinet de Murielle Pénicaud, ministre du travail, en introduction de l’événement.
Suivent ensuite des experts, des praticiens, des opérationnels, des scientifiques… rarement il ne s’était présenté une telle diversité et une telle complémentarité lors d’un événement ANDRH. Les orateurs et participants aux tables rondes ont notamment mis les points suivants en avant :
L’évolution de l’éthique et du devoir de désobéissance - Jean-Pierre GUENO (Historien, Ecrivain, Editeur)
A l’exemple de la science, l’obéissance sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ? Longtemps, l’obéissance aveugle et passive a été respectée comme une sorte de dogme reposant sur le caractère présumément infaillible de l’autorité qui ne supportait aucune remise en question. A travers six grands exemples de désobéissance, celle du Colonel Drian en 1915, celle des mutins de 1917, celle de Charles de Gaulle en juin 1940, celle d’Elie de Saint-Marc en avril 1961, celle des étudiants en mai 1968, celle de l’accueil des sans-papiers à partir de 1996 et celle des gilets jaunes depuis 2018, Jean-Pierre Guéno à analysé l’évolution de devoir de la désobéissance, passée en un siècle de l’ère de la discipline aveugle et sans conscience à celle de l’éthique.
« Obéir d’amitié » - Colonel Guillaume VENARD (Directeur des Formations d’Elèves aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan)
La société post moderne française traverse une crise de l'autorité qui est souvent confondue avec l'autoritarisme ou du despotisme, pourtant, cette autorité demeure plus que jamais indispensable pour permettre aux Français d'affronter les défis économiques sociétaux et sécuritaires actuels. Dans ce cadre, l'engagement militaire exige une grande discipline trop souvent perçue de façon caricaturale. Le Colonel Guillaume Venard a insisté sur la manière de former et fidéliser cadres et jeunes engagés issus de cette société, l'armée de Terre développe la formation humaine dont l'objectif est de faire appel à l'intelligence et au cœur pour donner du sens à la mission et encourager les individualités à privilégier en toute liberté le bien commun au service de leurs concitoyens.
Anecdote : le colonel Venard cherche à faire comprendre que l’autorité doit aussi se trouver en soi,( qu’il vaut bien mieux commander d’amitié que d’obéir ainsi, dit devant une salle certainement composée à 70% de femmes : « d’ailleurs, je me l’applique à moi-même, à la maison, c’est moi qui commande… oui JE décide… » Imaginez la tête de nos spectatrices… mais le Colonel de continuer… « c’est moi qui décide de l’heure… à laquelle Je vais passer l’aspirateur… » Soulagement…. Comme quoi, sujet sérieux, orateur militaire et humour quand même… bravo Colonel.
(Photo du Colonel)
Où est passée l’Autorité ?
Quelles sont les nouvelles aspirations des salariés, comment l'irruption des nouvelles technologies, l'intelligence artificielle et les bouleversements sociétaux rythment notre quotidien et chamboulent les rapports humains au sein des entreprises et des organisations ? Comment entreprises et organisations identifient les symptômes et les impacts de ces phénomènes et mettent en réflexion la légitimité de l'autorité et le fait managérial devant ce nouveau monde qui est à bâtir ?Autorité de statut, autorité de compétences quel devenir ? Ce qui change c’est une forme d’autorité acceptée en fonction du projet et c’est aussi une adaptation à des transformations qui nécessitent des préparations en amont. Par exemple, avec le bus autonome, le conducteur de la Ratp ne pilote plus mais demeure pour être le « régulateur » et la figure de l’autorité de l’entreprise. Des formations sont engagées en ce sens.
Jean AGULHON(Directeur des Ressources Humaines Groupe RATP) ; Stéphane CHEVET (Secrétaire National F3C CFDT) ; Aline CREPIN(Directrice Pôle Public et Insertion du groupe Randstad France) ;Philippe HELLO (Directeur des Ressources Humaines Ministère des Armées) ; Sophie MOREAU-FOLLENFAT (Directrice des Ressources Humaines Groupe Egis)
Transmission / Autorité, le regard des neurosciences
Grégoire BORST (Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation - Université Paris-Descartes / Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l'Education de l'enfant - CNRS) est alors intervenu sur l'émergence au cours de ces 20 dernière années de nouvelles technologies d'imagerie cérébrale permet pour la première fois dans l'humanité de visualiser le cerveau pensant, apprenant, ou prenant des décisions. Les découvertes des sciences du cerveau (neurosciences) associées à celles de la psychologie du développement et des apprentissages permettent d'éclairer d'un jour nouveau les processus clefs de l'apprentissage et de la transmission des outils culturels aux différents âges de la vie à l'école, à l'université et dans le monde du travail. Cette intervention illustrera le rôle d'un de ces mécanismes clefs pour les apprentissages : la capacité à résister à ses automatismes émotionnels, comportementaux et cognitifs.
Le cerveau possède deux pics d’activités électriques remarquables qui attestent d’un apprentissage conséquent œuvrant pour son modelage : la prime enfance…jusque 4 ans, et l’adolescence jusqu’à 25 ans environ… c’est à ce moment que l’on peut faire passer l’utilisation réflexe du cerveau à une approche d’acquisition pensée.
Quel Manager pour demain ?
A partir des transformations, des changements complexes que nous vivons à tous les niveaux, que devient l'autorité ? Le corps social a t’il toujours besoin d’autorité ? Si oui, comment la repenser ? Sur quelles fondations et sur quels principes repenser le profil du manager de demain, qu’est ce qui marche ? Quel profil, quelles compétences sont/seront recherchées et à développer pour le nouveau type de management qui se forge ? Quels défis pour les entreprises, les organisations, les « Ecoles de management » ?
Un moment important où J.C. Brochet (Engie IT) et F.Hommeril (CGC) se retrouvent pour dire que l’Entretien annuel tel que nous le connaissons habituellement est voué à disparaître au profit d’une autre approche plus réactive, respectueuse et adaptable.
Jean-Christophe BROCHET(Directeur Ressources Humaines et Moyens Généraux ENGIE IT) ; François HOMMERIL(Président Confédéral CFE-CGC) ; Frédérique LANCESTREMER(Directrice des Ressources Humaines Ville de Paris) ;Fabien SIGUIER (VP Exec. Groupe ADISSEO en charge des Ressources Humaines et de la Transformation)
Autorité, domination et pouvoir - Le gouvernement des individus et la psychanalyse -
Roland GORI (Psychanalyste – Professeur honoraire de psychopathologie Aix-Marseille Université. A occupé en 2015-2016, la Chaire de Philosophie de l’Ecole des Sciences Politiques et Religieuses de l’Université Saint-Louis de Bruxelles) à ensuite abordé le sujet du gouvernement des hommes qui est indissociable du gouvernement moral et psychologique de soi : la civilisation des mœurs, qu‘elle procède de l’éducation, du soin, de l’éthique, de la justice, de l’art ou de la science, se révèle profondément politique puisque pour les gouverner, la société enjoint les hommes à se gouverner eux-mêmes.
Trois concepts balisent alors le champ du politique : autorité, pouvoir et domination. L’autorité accroit les possibilités d’agir. Le pouvoir et la domination les limitent. Le pouvoir par son exercice prive le sujet de la liberté dont il le dote, faute de quoi il se réduirait à une violence. Perfide et insidieuse, la domination contraint en requérant l’acquiescement de la personne dominée. C’est uniquement durant le temps de l’illusion que les sujets soumis sont possédés par le pouvoir, possédés par lui dans le sens démoniaque du terme.
(André Perret, Photos Pascal Bernard & Charlotte Duda)