Le secteur financier semble être un bon élève en matière d’égalité professionnelle femmes / hommes. Est-ce votre perception ?
Les chiffres peuvent le laisser penser en effet car le recrutement se fait globalement à parité et le secteur financier recrute de nombreuses femmes issues des écoles de commerce ou à Bac +5 et recrute essentiellement des cadres. En revanche cette parité s’estompe dans les instances dirigeantes. Donc, à la fois oui il me semble que le secteur financier se classe parmi les plus vertueux sur ce sujet mais il reste des progrès à faire.
Comment décririez-vous le positionnement de votre entreprise en matière d’égalité F/H ?
Plutôt bien : 42 % de femmes au Conseil d’Administration, 21% au Comex, et 35% chez les managers et nous avons nommé des femmes à la tête de grands pays : Italie, Allemagne, USA par exemple. La DG soutient ce mouvement car elle est convaincue que la diversité est source de richesse et de performance des organisations. Bien sûr il reste des actions à mener !
Quels types d’actions pour aller plus loin ?
Il nous faudrait mieux utiliser notre réservoir de talents femmes, jeunes managers, managers confirmés et / ou celles dont la carrière s’est décalée suite à des évènements familiaux. La RH doit les repérer, les aider à se manifester, à prendre des responsabilités, à oser ! Il faut aussi continuer à lutter contre les stéréotypes en ne pensant pas à leur place par exemple. Donner confiance et assertivité aux femmes sans les transformer en hommes.
Nos modes d’organisation doivent aussi continuer d’évoluer pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, pour qu’ils soient notamment plus compatibles avec la parentalité.
Quelles actions avez-vous déjà menées ?
Entre autres actions : Identification et accompagnement des talents féminins, analyse des écarts de rémunération, soutien à la création d’un réseau Mixité chez Amundi.
L’action la plus efficace a sans doute été de bien traiter les rémunérations lors des congés maternité.
Votre priorité ?
Ne rien lâcher sur la rémunération ! être toujours vigilants sur ce sujet en monitorant systématiquement le sujet lors de la campagne annuelle.
Quelles actions spécifiques en matière de violence sexiste au travail ?
Nous l’avons fait de façon très formelle dans la partie anglo-saxonne mais pas encore en France. Un projet de charte est à l’étude.
Vous-même comment êtes-vous parvenu à un poste stratégique ?
Je n’ai pas rencontré de réelles difficultés, j’ai eu un parcours assez naturel et des patrons qui ont su me proposer des responsabilités. C’est sans doute plus facile dans le domaine des RH. J’ai plutôt eu l’impression qu’être une femme était une force. Le rapport d’influence ne passait par un rapport de force ou de rivalité. J’ai toujours réagi face à des propos sexistes ou discriminatoires, je n’ai jamais rien laissé passer.
Que pensez-vous des quotas, de la parité ?
Je ne suis pas très favorable à la politique des quotas mais en revanche il faut se fixer des objectifs, et se contraindre à présenter une femme à chaque poste vacant. Par ailleurs notre ancrage anglo-saxon nous pousse à une certaine exigence en la matière.
Les nouvelles générations agissent elles différemment ?
Je constate que les jeunes femmes ne sont pas vraiment fan de ce sujet et elles pensent qu’elles sauront se débrouiller. Le discours des hommes a beaucoup évolué, ils sont assez volontaristes pour faire progresser l’égalité professionnelle. Ces sujets sociétaux font bouger les équilibres et ce n’est pas si simple.
Vous êtes DRH d’une entreprise internationale, quel regard sur les différentes cultures ?
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un sujet très différent selon les pays, j’ai voulu mettre une politique chapeau sachant que les différences sont très fortes entre pays. Par exemple aux USA la vision du sujet est très militante avec une politique de quota. Il n’y a pas vraiment de politique européenne non plus, les allemands sont sur la non-discrimination, l’Angleterre est dans la foulée des USA et l’Italie plus sur la maternité. Au Japon, c’est une vraie difficulté pour les femmes dirigeantes qui « la jouent petit profil » pour se faire une place.
Une femme qui vous inspire ?
Françoise Giroud, Edmonde Charles-Roux, Jeanne Moreau, des femmes libres, courageuses !
Un dernier mot ?
Je conseille à tous la lecture du « Quai de Ouistreham » de Florence Aubenas pour regarder chaque femme différemment, en particulier toutes les « invisibles » qui se battent.
Isabelle Seneterre. DRH d’Amundi, Isabelle Seneterre a une expérience variée entre business et RH, finance et grande distribution, France et International. Elle a débuté sa carrière au Crédit lyonnais (Paris et New York), a travaillé en République Tchèque pour Carrefour. Elle rejoint Amundi en 2010 et devient DRH en septembre 2011