Matt Houston
En octobre dernier, des agences de Pôle Emploi se sont appuyées sur l’émission musicale The Voice pour leurs recrutements. Même si cela ne fait pas figure d’exemple, il faut toutefois reconnaître que le jargon et les codes qui entourent les Ressources Humaines tendent à s’inspirer du milieu artistique. Qu’en est-il de la gestion des talents, ces fameux « high po », aussi rares que précieux, courtisés par de multiples recruteurs ? La guerre des talents, au sens des Ressources Humaines, est-elle comparable à celle du milieu artistique ? Peut-on s’inspirer du show-business pour attirer et fidéliser ce type de population ?
Pour répondre à ces questions, Matt Houston, auteur, compositeur, interprète et producteur de On the Track, également disque d’or et disque de platine, a accepté de partager avec nous ses vingt années d’expérience du milieu musical.
Être un talent, c’est avoir la « smart attitude »
Dans l’industrie du disque, le talent ne se contente pas d’être bon techniquement, il dispose également d’un savoir-être hors du commun. Certains artistes ne tiennent pas dans la durée, et ce, malgré leur savoir-faire. Pourquoi ? Parce qu’ils font l’erreur de rejeter tout ce qui vient de l’extérieur, y compris des sollicitations de médias, alors que « les médias font partie de l’équipe », précise Matt Houston. A cela s’ajoute la modestie et l’humilité : le « high po » reste fidèle à son entourage et à ceux qui ont cru en lui dès le début car, « on ne se fait pas tout seul ». Ces personnes sont ses meilleurs conseillers et lui permettent de garder les pieds sur terre. Il existe plusieurs méthodes pour identifier et recruter un talent, mais les seules garanties sont le feeling et le temps.
Ce qui est fondamental pour identifier un talent dans le milieu musical, c’est d’abord d’être curieux et d’écouter beaucoup de morceaux différents, car comme le souligne Matt Houston : « il faut comprendre la musique, vivre avec son époque et avoir un temps d’avance. C’est avec cet état d’esprit que j’ai importé le 2-step de Londres en 2000 ».
Une fois identifié, il existe différentes façons de le recruter : « on peut faire évoluer un membre de son équipe dans lequel on détecte déjà du talent », on peut faire appel de façon classique à des castings ou encore recourir aux réseaux sociaux. Quel que soit le canal choisi, il faudra passer du temps avec cette personne pour s’assurer de bien partager la même vision.
Enfin, il faudra s’intéresser de près aux aspects humains, autrement dit au feeling que l’on a avec l’artiste recruté, car « les rapports humains sont très importants, c’est ce qui fera la différence entre un projet musical à succès et un autre ».
Talents d’hier et talents d’aujourd’hui
Les aspects humains sont incontournables pour le développement du talent, à plus forte raison avec une industrie du disque et une société en constante évolution : « en 20 ans de carrière, j’ai vu le milieu musical changer, pour passer du vinyle aux téléchargements en passant par la cassette et finir sur du streaming », expose Matt Houston. L’image et la personnalité prennent de plus en plus de place dans la popularité d’un artistique dont l’exposition médiatique pourra avoir un lourd impact sur son état psychologique. « Du jour au lendemain, on passe de l’amour des siens à l’amour de tous les autres, de l’anonymat à un piédestal ». A ce moment de sa carrière, le producteur se doit d’accompagner l’artiste aussi bien psychologiquement qu’artistiquement pour le faire passer du stade du « one shot » (premier succès musical) au stade des « follows-up » (successions de titres à succès). Additionnez cet accompagnement à de bons rapports humains, au fait de se sentir bien dans la maison de production et à une rémunération correspondant à la juste valeur de l’artiste et vous comprendrez les raisons qui poussent ce dernier à rester fidèle à son label.
Enfin, et pour être reconnu comme un talent d’hier et d’aujourd’hui : « il faut savoir à la fois revenir aux basiques sur le fond, c’est-à-dire revenir à des thèmes et des textes ayant un vrai contenu et ne pas hésiter à innover sur la forme. C’est ce que j’ai fait avec mon album « Papa est back », en proposant trois formats différents : le pirate pack, le legal pack et le VIP pack. » En somme, il faut mettre la forme au service du fond.
Quels que soient l’époque ou le milieu, la guerre des talents se joue sur le terrain de l’humain. Pour la remporter, il faudra savoir faire preuve de patience et de passion, mais également de créativité et de modestie, car que l’on fasse des RH ou du R&B, nous encourageons les talents à composer avec des valeurs aussi universelles que la musique