« Les gens qui ne passeront pas cinq heures par semaine en ligne pour se former seront bientôt obsolètes », Randall Stephenson, Président d’AT&T en 2016.
Une recherche empirique sur le rythme du progrès et de l’innovation montre rapidement que ce rythme est de forme exponentielle (résultat d’une succession de courbes en S) dans bien des cas. Le problème c’est que le cerveau humain sait prolonger les lignes droites mais se représente très mal une exponentielle. Il est pourtant crucial de comprendre ce dont il s’agit afin d’anticiper ce que ça implique en matière d’employabilité et de compétitivité. Essayons de comprendre cela avec l’exemple du grain de riz sur l’échiquier : un jeu d’échec compte 64 cases. En doublant simplement la quantité de riz à chaque case (1 sur la première, 2 sur la deuxième, 4 sur la troisième, etc.), on arrive à la dernière case avec une quantité de riz équivalente à 500 ans de production annuelle mondiale ! C’est ça une exponentielle. Il suffit de quelques « sauts de puces » pour atteindre des résultats vertigineux.
Que dire alors du rythme de l’obsolescence des compétences et des métiers dans un monde où le rythme de l’innovation est exponentiel ? L’adaptation des personnes aux transformations brutales des métiers, la mobilité professionnelle ou le « re-skilling » des personnes deviennent des sujets stratégiques pour les gouvernements, les entreprises et les individus. L’employabilité et la fluidité du marché du travail sont des enjeux majeurs dans les dix années à venir.
L’obsolescence des compétences est doublée d’une concurrence exacerbée des marchés. Les entreprises doivent s’adapter en permanence. Les nouveaux projets doivent sortir plus vite. L’adaptation rapide des entreprises aux nouveaux usages et aux nouveaux comportements de consommation est une condition clef de la survie des entreprises. Dans ce contexte, on comprends aisément que l’alimentation de l’entreprise en compétences « à jour » permet de relever les nouveaux défis de la concurrence Un projet n’était plus le résultat d’une personne : les entreprises ont besoin de s’organiser, de collaborer à des échelles encore jamais atteintes. Une étude publiée par l’Institute for the Future sur les compétences d’ici 2020 parle de « Superstructed Organizations » : ces organisa-tions où la collaboration est poussée à son maximum d’efficacité et qui utilisent et utiliseront toujours plus de moyens technologiques, levier nécessaire à la collaboration augmentée.
La capacité d’une entreprise à mobiliser son écosystème de compétences internes et externes, à identifier en temps réel ses expertises et à anticiper ses besoins est donc un enjeu clef. À voir l’état des systèmes d’information RH et la quasi absence de pratiques industrielles et technolo-giques autour des compétences dans l’entreprise, l’enjeu se transforme en un défi de taille : moderniser la gestion des ressources humaines. Je ne parle pas ici d’un relooking des ressources humaines en un département du bonheur avec son « Chief Happiness Officer ». Mais bien de la mise en place d’une structure pluridisciplinaire pilotée au niveau COMEX qui regrouperait des experts en technologie, des experts en gestion de compétences, des financiers, des intra-preneurs, des juristes, etc. Cette structure aura pour fonction l’introduction de nouvelles tech-nologies pour la gestion prévisionnelle de l’emploi et des carrières. Elle fonctionnera sous la forme de petites structures projets, à même de proposer en quelques semaines des pilotes, des prototypes avant de passer en déploiement. Les solutions mises en place devront permettre de cartographier en temps réel les compétences internes et externes de l’entreprise (et non des arbres de compétences “statiques”, faits sur fichiers excel), de constituer les meilleures équipes projets ad hoc ou encore de diligenter le meilleur expert en fonction des besoins de tel ou tel projet, de telle ou telle fonction.
Seulement voilà, les compétences dites « hards », les compétences techniques posent plusieurs défis quand elles sont cartographiées ou exprimées dans un CV, une offre d’emploi. Tout d’abord, il s’en créé des milliers chaque année. Entre les nouvelles normes, les nouveaux « fra-meworks » et autres logiciels ou matériels, on en perd son latin si on doit mettre à jour un arbre de compétences ou référentiel “à la mano”. Ces outils classiques ne permettent pas de suivre le rythme actuel d’évolution du marché. Ensuite, quand on cherche une compétence, on est souvent dans le flou. Si par exemple on a besoin de trouver en interne un bon développeur en Javascript, on va probablement taper “Javascript” pour identifier le bon profil. Mais que se passe t-il si aucun résultat ne sort ? On en conclut généralement qu’un recrutement est néces-saire. Et pourtant ! Un bon développeur node, react ou meteor est aussi un bon développeur Javascript. Pouvoir identifier des compétences transversales est donc crucial quand on s’attaque à la mobilité interne et à la GPEC. Mais quand il s’agit de traiter des volumes importants de compétences en perpétuelle évolution, les outils classiques ne font plus l’affaire.
Les entreprises doivent désormais se doter de solutions d’Intelligence Artificielle basées sur un ensemble de techniques : machine learning, deep learning, réseau de neurones artificiels, etc. Ces solutions vont non seulement cartographier en temps réel les compétences internes et externes mais aussi nourrir le référentiel avec les nouvelles compétences qui apparaissent sur le marché en scannant les offres d’emploi et autres éléments intéressants du web. Il n’y a alors plus besoin de s’accorder sur un dictionnaire de compétences (obsolète le jour où il est pro-duit) pour référencer les compétences présentes ou recherchées dans l’entreprise. Ces solu-tions doivent permettre également de connecter la stratégie de l’entreprise aux besoins opéra-tionnels en proposant des fonctionnalités pertinentes pour chaque partie prenante de l’entreprise : suggestions personnalisées de formations et de postes pour les collaborateurs, visibilité macro et micro des compétences (individu, équipe, entreprise) pour les managers et les professionnels RH, etc.
La valeur ajoutée de ces solutions d’IA est de pouvoir capter et consolider en temps réel un très grand volume de données pertinentes. Ces tâches laborieuses et impossibles à effectuer par un être humain vont faire gagner un temps précieux à la fonction RH qui peut dès lors jouer plei-nement son rôle de “business partner” de l’entreprise et se recentrer sur l’accompagnement des collaborateurs dans leur développement professionnel en leur proposant entre autres des formations d’avenir.