Pourquoi un philosophe s’intéresse-t-il à l’Intelligence artificielle ?
L’intelligence a toujours posé question à la philosophie, de même que la technologie qui, depuis au moins un siècle, se trouve au centre des préoccupations. La combinaison de l’intelligence et de la technologie est ainsi doublement philosophique. Des philosophes comme Aristote et Leibniz l’ont anticipé. Actuellement, les débats sur l’intelligence artificielle ont deux dimensions. La première est épistémologique : elle cherche à interroger la part « intelligente » de l’intelligence artificielle. Si la capacité pour une machine d’émuler l’intelligence humaine la rend véritablement intelligente, cette dernière caractéristique doit-elle être entendue comme une qualité, ou juste comme une capacité ? Un dispositif capable de comportements intelligents a-t-il cette qualité qu’est l’intelligence, voilà la question. La seconde dimension du débat contemporain est plus prospective et sociale. Elle interroge les conséquences humaines et civilisationnelles des évolutions actuelles du couple humain-machine, avec aussi bien le spectre d’un chômage accru et d’un remplacement du travail humain par le travail machinique, que les espoirs transhumanistes, souvent utopistes, d’une humanité régénérée par ses outils. Toutes les questions soulevées par le progrès depuis deux siècles se retrouvent dans ce débat, exacerbé par les exemples toujours plus nombreux de robotisation de certaines activités.