Vos fonctions tant à l'Elysée qu'à France Stratégie vous ont-elles permis d'avoir une vue élargie de l'importance de la RSE sur la cohabitation nécessaire entre Etat et Entreprise ?
En effet. Dans le premier cas ce constat est né du travail réalisé avec toutes les parties prenantes autour de la loi « devoir de vigilance », qui a débouché en 2017, après de multiples échanges et les nécessaires compromis qu'il a fallu susciter. La mobilisation et je dois dire le niveau de compétence des ONG a joué ici un rôle décisif.
Dans le second cas, à France Stratégie, j'ai retrouvé avec plaisir les acteurs de la plate-forme RSE, qui lui était rattachée suite à une décision de JM Ayrault, alors Premier ministre. L'activité était ici plus quotidienne et diversifiée, avec une forte production de rapports et d'avis, impliquant d'importants efforts pour bâtir du consensus.
Vous étiez Président de l'ANDRH lors de l'arrivée massive de la RSE dans les entreprises. Avez-vous une explication au fait que les DRH ne se sont pas appropriés cette réflexion immédiatement et ne l'ont pas considéré comme partie intégrante de leur périmètre ?
Les DRH sont à l'image de l'école dans la société : nous attendons tout d'eux. Je crois que s'ils ont eu ce petit « retard à l'allumage » c'est d'abord que leurs patrons n'avaient pas franchi le pas, à de rares exceptions près. Cela n'allait pas de soi de changer de paradigme et, par exemple, de se préoccuper enfin d'environnement.
Le rapport Notat/Sénart et les changements sur l'objet même de l'entreprise vous semble-t-il aller dans le bon sens ?
Son existence même va dans le bon sens, ce genre de démarche portée par des personnalités emblématiques ayant au moins la même valeur que leurs propositions. Désormais, malgré des lacunes et de fortes disparités selon les secteurs, les groupes, les sites, ces sujets sont sur la table et l'on va davantage remarquer les cas où la dynamique patine que les progrès réalisés.
Aujourd'hui, la fonction RH semble vouloir s'approprier cette dynamique RSE ... que vous semble-t-il le plus important à mettre en œuvre pour que le S de Social prenne toute sa dimension ?
Cela renvoie d'abord au dialogue social et à la négociation. Certes, les enjeux sociaux et plus encore sociétaux vont au-delà mais soyons logiques : il ne peut y avoir de progrès social qui ne soit partagé, ni de démarche collaborative se limitant à des injonctions verticales. Là encore, la forme et le fond doivent aller de pair.
La Caisse des Dépôts est « actionnaire » d'un grand nombre d'entreprise, la RSE fait-elle partie de ses critères de gouvernance ?
Absolument, d'autant que le groupe est très engagé lui-même dans ces démarches, en particulier la finance Responsable et qu'il travaille déjà très concrètement à la manière de mettre en œuvre les ODD, sur une base ambitieuse
Les organisations syndicales semblent vouloir aussi entrer dans cette approche, est-ce à votre avis une possibilité d'aller vers un nouveau dialogue social et vers une « coconstruction » sociétale ?
Sans doute, et l'on voit bien que les acteurs sociaux au sens large interagissent de plus en plus, par exemple sur les enjeux liés à l'exclusion, à l'emploi, aux droits sociaux notamment à l'échelle européenne et internationale. Je pense d'ailleurs que cette ouverture n'est en rien contradictoire avec le syndicalisme « de service » prôné par beaucoup