Par Dominique LEVY, Présidente du Groupe de Travail « Reconversion des Militaires Blessés » du Comité de Liaison Défense du MEDEF
Qu’elle survienne à l’entraînement, au combat, en opération extérieure ou dans le cadre du plan Vigipirate, la blessure chez le militaire est bien souvent une remise en question de l’avenir dans lequel il s’était projeté. Lorsque le parcours de soins médicaux s’achève par le couperet de l’inaptitude à exercer une profession combattante, un nouveau départ professionnel s’impose.
Les armées, soucieuses de ne laisser aucun des leurs au bord du chemin, ont mis en place un certain nombre de dispositifs pour aider les militaires blessés dans leur démarche de reconversion.
Favoriser la rencontre entre militaires blessés et entreprises
La Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de Terre (Cabat) s’est montrée pionnière dans l’aide au retour à l’emploi de militaires blessés. En effet, l’enjeu est de taille : parmi les 1 000 blessés accompagnés en permanence par la Cabat, près de 400 sont en phase de reconversion professionnelle.
Sa cellule Réinsertion a conçu le parcours d’accompagnement Omega. Il permet à des blessés de découvrir le monde de l’entreprise au cours de stages d’immersion. Arquus, Renault, Michelin, la SBE, Thales ou encore SFIL en sont devenus des partenaires fidèles. Près de 170 soldats de l’Armée de Terre ont bénéficié de ce dispositif. Et 60 d’entre eux ont trouvé un nouvel élan professionnel dans le civil. Les cellules d’aide aux blessés de l’Armée de l’Air et de la Marine ont à leur tour adopté le dispositif Omega qui a prouvé son efficacité.
De plus, Défense Mobilité, l’agence de reconversion de la défense, propose aux sociétés désirant recruter un militaire blessé, des profils adaptés à leurs attentes. Grâce aux Périodes de Formation Gratuite en Entreprise (PFGE) et aux Périodes d’Adaptation en Entreprise (PAE), elles peuvent appréhender et développer les compétences du militaire avant son embauche. Durant cette période, le militaire se forme et se familiarise avec l’entreprise tandis que celle-ci s’assure de la performance de son futur collaborateur.
Quels que soient les dispositifs de réinsertion, ils sont gratuits pour les entreprises. Car ces « stagiaires » de haut niveau continuent, pendant leur stage, à être rémunérés par le Ministère des Armées. Et si l’entreprise et le militaire blessé décident de poursuivre leur collaboration, ce dernier s’engage dans un processus de réforme (radiation des effectifs des armées) afin de pouvoir signer un contrat (CDI, CDD,…) auprès de l’entreprise d’accueil.
Recruter des militaires : un atout pour l’entreprise
Les militaires, blessés ou non, ont développé au cours de leur carrière dans les armées des compétences recherchées. Et ce dans des métiers variés : électronique, informatique, encadrement, logistique, maintenance, transport, protection de site, etc.
Quant à leurs valeurs, elles sont un véritable atout : loyauté, engagement, sens du collectif, solidarité, discipline, autonomie… Et les effets sont vertueux : les entreprises accueillant des militaires voient se développer en leur sein l’émulation, le travail en équipe, le sens de la mission et du résultat.
Pour en savoir plus et recruter
Le Mouvement des Entreprises de France (Medef) s’est engagé auprès du Ministère des Armées pour favoriser la rencontre du monde de l’entreprise et des militaires blessés. A cette fin, un guide a été réalisé à destination des chefs d’entreprise, directeurs des ressources humaines, responsables RSE… « Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise » est téléchargeable sur https://www.medef.com/fr/content/recruter-dans-vos-equipes-un-militaire-blesse-un-engagement-pour-lentreprise
Témoignage de Jean-Jacques Chovet, DRH chez Renault Trucks Defense
« Comme toute entreprise de plus de 20 salariés, nous devons employer un certain pourcentage de travailleurs en situation de handicap. J’ai longtemps cherché la solution quand un soir j’ai regardé un reportage sur le stage "mer et blessure" de la CABAT. J’ai vu de jeunes gens surmonter leur traumatisme et développer une vraie capacité de résilience. Après avoir contacté la CABAT nous avons été les premiers à accueillir deux militaires en stage d’immersion. J’ai rapidement vu leur potentiel. Ils apportaient des valeurs que toute entreprise recherche : la loyauté, l’investissement personnel, l’envie d’apprendre et d’accomplir la mission. Le plus difficile était de leur faire comprendre qu’ils avaient plus de capacités qu’ils ne croyaient. Quelle meilleure expérience que celle d’un pilote de VBCI (N.D.L.R. Véhicule Blindé de Combat de l’Infanterie) qui est intervenu sur son véhicule en plein désert malien ? Aujourd’hui trois d’entre eux ont signé un CDI chez nous, et nous espérons accueillir prochainement d’autres stagiaires en immersion. Le partenariat ne fait que commencer. Je téléphone régulièrement à la Cabat pour recruter plus de candidats de cette trempe. »
Témoignage de Robert N’Guyen, conseiller financier chez SBE
« En 2014, j’ai participé à l’opération Sangaris, ma première OPEX (N.D.L.R. Opération Extérieure). Je pensais être prêt. Je ne l’étais pas. Le retour a été dur, une blessure invisible est difficile à raconter. J’ai fait la démarche de consulter un spécialiste pour mettre des mots sur ce qui m’arrivait. Mon référent Cabat m’a soutenu et m’a permis de reprendre espoir. En 2016 j’ai eu la chance de rencontrer un cadre de la banque SBE qui m’a proposé une immersion au siège principal. J’y ai appliqué ce que je faisais déjà à l’armée : la rigueur, la discipline et l’envie. Aujourd’hui, je viens de signer un CDI, une nouvelle vie s’ouvre à moi. Sans l’aide de la Cabat et de Terre Fraternité, je serais peut-être encore cloîtré chez moi. C’est le message que je veux faire passer à tous mes camarades atteints de cette blessure : ne lâchez rien. Avec de l’aide et de la volonté, on peut s’en sortir. »