Par Didier Rembert DGRH de transition
Tôt ou tard votre directeur général lancera en comité de direction : « faut qu’on se mette à la RSE, tous nos clients en parlent, qui veut s’occuper de ça ? » Tout le monde se regardera, le directeur achat lancera telle une incantation, « moi, j’achète du papier recyclé, en plus c’est moins cher », le directeur financier ajoutera, « attention, on n’embauche pas de responsable RSE, ce n’est pas au budget », et le directeur commercial conclura « c’est sur que c’est important, nous on ne sait plus quoi dire au client quand il nous en parle ».
Alors tous les regards se tourneront vers vous. « RH et RSE ça va bien ensemble non ? alors vas-y prend le dossier. Tu nous fais un point dans un mois ». En rentrant dans votre bureau, vous allez vous demander comment vous allez bien pouvoir prendre le bébé. Un stagiaire ! C’est une bonne idée ça ! En plus y a le bilan carbone à sortir, le patron en a parlé le mois dernier, on va lui refiler le truc. Ou un consultant ! non, le DAF ne voudra pas.
On peut tirer de ce bref scenario fiction que le rôle de la Direction des Ressources Humaines dans une démarche RSE peut relever du poker, de la corvée, ou s’inclure dans une démarche globale dans laquelle le DRH pourra emmener toute l’entreprise et jouer un rôle nouveau.
Dans RSE il y a responsabilité sociétale, et c’est donc de la responsabilité globale de l’entreprise dans la société que vous voilà investi. Vous allez me dire, le DRH à bien déjà le devoir de rendre les gens heureux (voir MAG RH précédent), pourquoi ne pas s’investir pour que l’entreprise soit en lien avec la société. Il y a deux types d’approches, celle faite de gadgets, qui serviront à se donner bonne conscience, ou une réelle approche globale incluant la qualité de vie au travail, l’impact de l’entreprise dans son milieu, son rôle dans l’écosystème économique complet et sa relation aux parties prenantes.
Comment le DRH peut se lancer dans une action globale pour cheminer vers une démarche de RSE ? En commençant bien sûr par balayer devant sa porte : une entreprise ne pourra pas communiquer sur sa responsabilité sociétale sans que vous, DRH, soyez à la hauteur de l’enjeu. Donc prenez un peu de temps pour regarder vos fonctionnements, vos pratiques, et grattez là ou ça fait mal et dans les coins : votre prestataire ménage par exemple, à qui vous avez pour la dixième fois demandé de baisser ses tarifs, avez-vous pris le temps de rencontrer ses salariés le matin à 5h pour voir comment ils sont traités ? répondez-vous à tout le monde quand vous recevez les CV et êtes-vous sûr du tri effectué ? ensuite regardez comment les relations sociales sont jugées et perçues par les salariés. C’est ce qui dépend de vous donc le plus facile à transformer.
Ensuite éloignez-vous un peu mais pas beaucoup de votre cœur de métier. Vos salariés utilisent des voitures de fonction ou de service. Comment allez-vous pouvoir les inclure dans une démarche pour abaisser le niveau d’émission de CO2 de votre flotte ? Il faut qu’on la mesure dans le bilan carbone, et comme par hasard c’est le premier poste d’émission de l’entreprise. Une formation à l’éco-conduite, un passage aux véhicules hybrides, la promotion et la valorisation du covoiturage, mais c’est dans votre périmètre ça ! et on parle pourtant de RSE.
Mesurer aussi le climat social est fondamental, vérifier là ou vous allez avoir des dysfonctionnements et prendre le temps de comprendre et écouter ce qui se passe. Mesurer tous les jours l’humeur de ceux-ci afin de prévenir la souffrance d’un salarié isolé et en conflit avec sa hiérarchie, c’est prévenir le désastre éthique et humain que représenterait un suicide dans l’entreprise.
Ensuite et seulement après vous pouvez aller vers l’impact environnemental, et là selon la nature de votre activité, industrielle, distribution, service, jouer (?) votre rôle de DRH afin de mesurer, de constater, de reporter et de promouvoir des solutions.
Viendra ensuite le rôle de l’entreprise sur ses parties prenantes, fournisseurs, sous traitants, mais aussi mairie, quartier et population environnante. En allant voir les écoliers, lycéens, élus et en sortant de l’entreprise pour aller voir comment celle-ci est perçue, vous mettez en place une politique RSE tout en étant pleinement dans votre rôle de DRH.
Le plus compliqué dans une démarche RSE est tout d’abord de mesurer. Le bilan carbone loin d’être une corvée vous aidera beaucoup à connaitre le périmètre et à fixer un point de départ. Il vous permettra aussi et plus surement de rentrer dans chacun des process de l’entreprise, en en comprenant tous les rouages, en mesurant concrètement l’impact de votre activité sur l’environnement. Comme vous le faites déjà, vous pourrez alors devenir le coach de tout votre codir pour mettre en garde, guider et prévenir des choix en mesurant leur impact social, environnemental et sociétal.
A vous aussi de valoriser les choix environnementaux qui sont faits. On achète local, moins de carbone émis ? Quel en est le coût ? Comment valoriser cette action sur le plan marketing ? Vous verrez alors que comme en ressources humaines, les managers prendront le lead. Le marketing expliquera qu’ils travaillent dessus depuis toujours, le commerce demandera des plaquettes, les achats reverront leurs fournisseurs. Alors vous vous verrez rajeunir (pour les plus anciens) et vous repenserez aux débuts de la RH qui en passant de la gestion du personnel aux ressources humaines a su trouver le ressort interne pour conduire toute l’entreprise sur la voie de changement du rôle du manager. Vous verrez la aussi que votre valeur ajoutée sera de communiquer, de mesurer, de convaincre de porter un projet, et vous pourrez venir au prochain codir en affirmant, DRH et RSE, même combat.