Par Bénédicte Merle (CEO Fondatrice de Dolphinus)
La RSE, concept né dans les années 1950 avait en 2006 déjà 37 définitions académiques dénombrées par A. Dashrud1. La définition de la norme ISO 26000 publiée en 2010, place les ressources humaines comme acteur privilégié pour élaborer et déployer la démarche. Mais, ce n’est pas systématique. En effet, en l’absence d’un fonction spécifique au sein de l’organisation, nous observons aussi le rattachement de la démarche qui nécessite pilotage et contrôle, à la finance.
Quant au capital humain; il s’agit dans la conception anglo-saxonne, avec le capital organisationnel et relationnel de l’une des trois composantes (savoir-faire, esprit entrepreneurial, relations avec les employés, compétences … des actifs immatériels.) Pour C. Hoarau et R. Teller2 (2001), il « englobe la combinaison des connaissances, des talents, de l’esprit d’innovation et des capacités de chacun à accomplir sa tâche. La notion de capital humain comprend également les valeurs de la société, sa culture et sa philosophie ». Pour V. Simonnet3 (2002) c’est « l’ensemble des compétences, qualifications et autres capacités possédées par un individu à des fins productives. Il peut être inné ou s’acquérir durant le cursus scolaire, universitaire ou au cours d’expériences professionnelles, par la transmission de savoirs et qualifications »
Des auteurs se sont intéressés aux motivations pour les dirigeants de mettre ou non en place une politique RSE et de communiquer dessus. S. Trénucq4 (2006) montre « une utilisation du concept de capital humain essentiellement liée au degré de visibilité politique de l’entreprise, à son appartenance sectorielle, et au climat social qui y règne ». Son étude de Lafarge révèle déjà la préoccupation managériale de l’accès durable aux ressources humaines (attractivité et fidélisation).
Selon le rapport OCDE de 2013 sur l’immatériel, une communication inadéquate sur le sujet peut entraîner pour les entreprises des difficultés de financement ou un coût de capital élevé. M. Labidi et M.A. Omri5 (2016) ont relevé la priorité des informations liées à l’innovation, au capital client et à l’équipe dirigeante. D’après les analystes et gestionnaires interrogés, les motivations qui poussent les entreprises à diffuser volontairement des informations sur leurs biens immatériels relèvent d’une volonté d’optimiser l’appréciation de leur valeur.
En la matière, comme dans d’autres, le citoyen doit être particulièrement vigilant sur la communication et s’interroger sur le décalage éventuel entre la communication publique et les pratiques relatives à la gestion du capital humain.
Les praticiens s’intéressent à la valorisation du capital immatériel notamment dans les cadres de recherche de cibles, évaluation et valorisation des entreprises au moment des transactions et recherche de fonds.
En janvier 2019 les fondateurs de l’Institut de Comptabilité de l’Immatériel ont publié une nouvelle version de la méthode Thésaurus6 dont la première, conçue en 2003 a connu une avancée en 2010 lorsque le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie a chargé un groupe de travail de proposer des méthodologies opérationnelles permettant de mesurer, gérer et communiquer sur les actifs immatériels. Cette version présente plusieurs avancées dont l’unification des volets évaluation extra-financière et valorisation financière en un seul document, l’harmonisation de l’ensemble et la présentation d’étalonnages sectoriels d’indicateurs.
Le modèle de cotation (extra-financier) permet d’évaluer l’actif humain en bloc ou de façon segmentée (département, direction…). La méthodologie consiste à appliquer une note à chaque critère en fonction d’indicateurs propre à chacun puis à en faire une synthèse. L’approche alternative pour l’évaluation (financière) d’une entreprise sur la base de son capital immatériel inclut le capital humain. Les 3 critères innovation, clients et dirigeants cités plus haut sont bien pris en compte dans cette méthode.
D’autres méthodes voient le jour. Espérons néanmoins que notre écosystème sache valoriser pleinement cette robuste méthode qui a, entre autres, le mérite d’être OpenSource et simple à mettre en œuvre.
Nous en souhaitons une large diffusion qui pourrait permettre à l’avenir si cela paraissait pertinent d’ajuster la méthode pour tenir compte de l’éventuelle influence de variables telles que la taille, le système de gouvernance et l’environnement culturel et économique de l’organisation.
Cependant il n’est pas évident que tous voient d’un bon œil le succès de cette méthode dont l’idée est de « vérifier que les ressources dont l’entreprise dispose à un instant « t » permettent de générer au moins en partie, les profits futurs actualisés obtenus par les méthodes classiques »7. Si la méthode du DCF est de plus en plus contestée dans un avenir de plus en plus incertain, les valorisations s’envolent néanmoins à l’image de l’introduction en bourse d’Uber.
S’il n’est pas illogique d’accepter de payer une survaleur d’enjeu stratégique (liquidité, accès à une position de leader, de compensation d’une carence…), qui peut rester néanmoins difficile à réaliser, le bon sens devrait nous semble-t-il nous mettre en garde contre le goodwill de croissance (rentabilité future qui serait créée par des actifs qui n’existent pas encore).
Par ailleurs cette méthode couplée à des outils d’identification des talents innés et des compétences acquises possédés par un individu à des fins productives (cf Simonnet) comme il en existe aujourd’hui (tel map&match) et à des activations d’intelligence collective devrait permettre de faciliter le développement des démarches RSE, notamment pour les PME et de renforcer le dialogue entre DRH et directions financières, d’autant que dans les PME il est fréquent que ces deux fonctions relèvent d’une même direction.
De plus, l’absence de démarche RSE pourrait augmenter la concurrence pour les Ressources Humaines avec les organisations dotées d’une mission …