La réforme de la formation professionnelle couvre différents enjeux sociaux et économiques, dont le développement des compétences, le financement de la formation dans le cadre du CPF, la formation des jeunes ou encore le développement de la formation en alternance. Le point avec Cyril Parlant, Avocat Expert au sein de FIDAL.
Quelles sont les grandes lignes de la réforme de la formation professionnelle ?
Elle vise à rendre le système plus efficient pour que chaque euro dépensé en formation ait son utilité et contribue au développement de l’employabilité des actifs de manière globale. Pour les entreprises, il s’agit aussi d’une réforme du système de financement. Dorénavant, les entreprises de plus de 50 salariés vont contribuer au financement de la formation dans les plus petites entreprises. Dans ce cadre, la monétisation du CPF est un autre point important soulevé par la réforme. Il a vocation à devenir un instrument du dialogue social et collectif dans les entreprises afin d’atteindre les objectifs de co-construction et de co-financement.
La réforme met aussi en avant la question des compétences avec une dimension de traçabilité et de certification. À ce niveau, l’enjeu majeur est de détecter et de faire valider les compétences. Au niveau de la thématique de l’alternance, la réforme prévoit la libéralisation de la création des CPF et la réforme de la taxe d’apprentissage. En outre, la loi remplace des dispositifs particuliers de la reconversion et de l’évolution professionnelle par le CPF de transition et la professionnalisation par l’alternance (Pro-A). Ils se substituent respectivement au congé annuel de formation et aux périodes de professionnalisation.
Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour les entreprises et les salariés ?
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, le principal impact est la réforme des financements. Dorénavant, elles ne pourront plus demander aux nouveaux OPCO de prendre en charge un plan de formation ou encore une période de professionnalisation, (a contrario, les petites entreprises bénéficieront plus des fonds mutualisés) … Elles vont devoir s’adapter et collaborer avec leurs salariés pour co-construire et co-financer les parcours de formation notamment au travers du CPF. Viendra ensuite l’appropriation des autres dispositifs comme Pro-A, les contrats de formation en alternance ou de professionnalisation, qui devront, à mon avis, s’axer sur les compétences propres de l’entreprise. Néanmoins, tant que les opérateurs de compétences ne sont pas encore stabilisés dans le paysage, il est difficile d’apprécier quel type d’accompagnement ils proposeront aux entreprises. Au niveau des salariés, ils vont pouvoir s’approprier le CPF en euros et devenir ainsi de nouveaux intervenants sur le marché de la formation. A cela s’ajoute toute une réflexion autour de la définition et de la certification des compétences. Aujourd’hui, s’il y a une compétence à privilégier, c’est celle qui consiste à savoir apprendre, car tout au long de sa carrière une personne va être amenée à apprendre pour compléter ses aptitudes et compétences. Plus que jamais, il y a le besoin de développer des outils fiables pour que l’employeur puisse démontrer qu’il a rempli ses obligations sociales et juridiques. Et pour les RH, il s’agit donc de pouvoir mesurer le niveau de performance, mais aussi de se pencher sur la question de l’internalisation de la formation avec un service dédié, voire la création d’un centre de formation en alternance d’entreprises.
Comment FIDAL aborde cette nouvelle réglementation ?
Nous nous sommes dotés, depuis quelques années déjà,d’un pôle dédié à l’économie de la connaissance. Cette entité pluri-disciplinaire rassemble plusieurs spécialités (droit du travail, fiscalité, propriété intellectuelle, droit des structures, commercial …) et intervient auprès des entreprises et aux acteurs de la formation. Nous pouvons ainsi prendre en charge les études pour la création d’un centre de formation en alternance, de compétences ou de certifications … Nous accompagnons les organismes de formation dans leur mutation obligatoire (regroupement, mise en réseau …), mais aussi pour relever les nouveaux défis qui émergent comme la montée en puissance de l’alternance. Plus spécifiquement, nous abordons cette réforme au travers de l’idée qu’il s’agit avant tout d’un atout pour le dialogue social et inversement. Nous avons pris le parti de défendre ce point de vue et d’inscrire la démarche de développement des compétences dans ce cadre en préconisant la conclusion d’accords d’ entreprise sur le financement du CPF ; sur l’aménagement de l’appréciation des parcours professionnalisant, c’est-à-dire la périodicité des entretiens professionnels qui peut être revue ou différenciée ; sur le droit à la formation pour garantir son employabilité.
Plus précisément, comment les accompagnez-vous dans le cadre de leur appropriation et adaptation de ce nouveau cadre règlementaire ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Nous avons développé une offre d’accompagne-ment et avons même dédié 3 avocats à la réforme de la formation professionnelle. Nous organisons des formations, des journées de perfectionnement, des webinars, et nous essayons aussi de participer aux évènements et colloques autour de cette thématique. Nous sommes encore dans une phase d’explication et de sensibilisation.
D’un point de vue plus opérationnel, nous sommes bien évidemment interrogés sur la prise en charge financière des formations sur le premier trimestre 2019. Avec la mutation des OPCA et le fait que les OPCO ne soient pas encore opérationnels, il reste à ce niveau encore de nombreuses zones d’ombres. Nous sommes sollicités aussi sur la question des entretiens professionnels et la possibilité de proposer un accord d’entreprise pour en revoir la périodicité. Si la loi durcit les sanctions en cas de manquements, elle laisse entre-voir une solution au travers d’un accord qui va s’inscrire dans le dialogue social. Les plus grandes entreprises se tournent aussi vers nous pour étudier l’interêt de créer des centres de formation et d’apprentissage en interne. Pour d’autres, il s’agit plutôt du volet international de la formation avec tout ce qui a trait à la création de certification, ou encore la notion de plan de développe-ment des compétences.
Pour les organismes de formation, nous avons aussi développé une offre de diagnostic basé sur la méthode SWOT pour cerner les forces, les faiblesses, les opportunités et les contraintes. À partir de là, nous essayons d’identifier les évolutions et perspectives possibles dans le cadre de la réforme. Enfin, nous sommes aussi de plus en plus sollicités sur la certification des offres et la digitalisation, un facteur de massification et de diminution des coûts, qui permet aussi grâce au recours aux nouvelles technologies d’innover sur le plan pédagogique.