Dominique Pépin, avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez vous nous résumer ce qu’est, pour vous, la politique formation du Groupe.
La politique Formation se décline sur trois axes majeurs : D’abord comment accompagner les transformations culturelles et l’évolution nécessaire du management. Ensuite comment la formation peut-elle contribuer au développement du Groupe… (développement du portefeuille client, croissance du chiffre d’affaire…) et enfin, comment offrir une meilleure expérience aux salariés, ce qui passe par une remise en cause de la RH, des responsables formation, bref, de questionner comment nous travaillons.
Sur quels domaines porte votre interrogation ?
Sur les nouvelles façons d’aborder l’apprentissage : la taille unique des groupes ne fonctionne plus. En amont, nous devons concevoir des dispositifs qui incluent la diversité des groupes d’apprenants aussi bien quant à leur disponibilité, les lieux, les typologies de compréhension, les moments opportuns. Et puis nous devons aussi accompagner un véritable changement de paradigme : il y a 20 ans nous étions bimodaux, classique et en ligne ; aujourd’hui nous interagissons sur des tas de modes d’acquisition, distanciel et présentiel bien sûr, mais aussi par les mises en contact, par le mentoring, le coaching. Et les modes de développement ont évolué et permettent maintenant une approche individualisée. On est donc en mesure de s’adresser à des groupes qui ne sont plus forcément homogènes. Nos moyens d’intervention sont différents puisque le « digital » interagit sur tous les autres.
Vous avez un exemple ?
On redécouvre par exemple, ce n’est pas un scoop, que la lecture est un moyen d’apprendre. On peut alors mettre à disposition des éléments qui vont aider et renforcer ce type d’apprentissage : des recensions d’articles en fonction de la demande, des bibliothèques virtuelles…
Pour le responsable formation, qu’est-ce que ça change ?
Sur le fond, une obligation de connaître les différents modes d’apprentissage. Mais aussi d’avoir une bonne maîtrise des outils, et surtout être conscient que la règle des trois unités chère au théâtre antique et qui avait été reprise par la formation (un seul lieu, un seul temps, une seule action) explose littéralement. On ne joue plus dans la même dimension. Le stage n’est plus, maintenant qu’un seul acte de formation parmi d’autres. Cela signifie qu’il va devoir reconsidérer la façon de concevoir.
Un travail d’ingénierie ?
Oui, un énorme bouleversement en amont et la conscience que c’est le salarié qui fixe la donne en fonction de sa personnalité, de son métier, de ses contraintes et que c’est en tenant compte de ces éléments que le RF va nourrir sa conception. Un exemple ? Le chantier de digitalisation des opérateurs en usine : les programmes sont intégrés dans le quotidien opérationnel, sur le site industriel et il est renforcé par du mentoring. L’action est alors plus proche du terrain, moins abstraite, elle a du sens. Elle est alors beaucoup plus efficace qu’une théorie déversée en présentiel et souvent hors sol.
En termes d’outils, vous avez une politique groupe ou décentralisée ?
Nous possédons un LMS Groupe. Il est largement utilisé par l’ensemble des entités du Groupe. Mais nous favorisons aussi les transversalités par des communautés d’échanges et de savoirs.
En central, notre mission est aussi la veille et l’accompagnement des politiques formation de toutes les sociétés, dans tous les pays, pour leur permettre de maîtriser les outils. Avec des webinaires, et des chats, nous sommes en relation avec l’ensemble des salariés à l’échelle mondiale.
Notre défi aujourd’hui, et c’est vrai pour toutes les structures, est de se demander comment on peut efficacement accompagner le changement dans les organisations.
Ainsi pour permettre un saut qualitatif, et améliorer la production, nous mettons à disposition du matériel pédagogique la mise en ligne de parcours intéressants. On va de la réalisation de PPT améliorés à des outils de communication autorisant la réalisation de classes virtuelles.
Vous voyez bien, dans ce contexte, que le stage « one shot, une journée » disparaît. La logique nous pousse vers du travail à distance et nous nous devons de favoriser la production de support.
C’est comme cela que vous entrez dans l’environnement de l’entreprise apprenante ?
Non, ce n’est pas suffisant. Pour ça, il faut mettre en œuvre des solutions de partage de savoirs. Et là, les nouveaux outils nous aident. Depuis début 2019 nous mettons l’accent sur notre capacité à changer notre façon de travailler, ce qui ne peut que renforcer notre organisation. L’Université Saint-Gobain, certifiée FMD, est un bon moyen pour renforcer en interne le partage des connaissances. Nous en avons besoin puisque, en dehors de l’hexagone, dans les pays à forte croissance, l’effort formation est énorme et représente un réel investissement stratégique.
Propos recueillis par André Perret,
Dominique Pépin
Directeur de la Formation, Compagnie de Saint-Gobain et Professeur Associé au CIFFOP, Université Panthéon-Assas Paris 2. Dominique Pépin a rejoint Saint-Gobain en 2001, après une carrière dans le groupe AGF (aujourd’hui Allianz) dont il avait intégré la direction internationale en 1982. Il a développé une carrière à l’international - postes opérationnels au Brésil (1985-1990), au Portugal (1990-1992) et en Tunisie (1993-1995) -, avant d’être nommé en 1995, directeur de la gestion des cadres du groupe, puis DRH du pôle Assurances de Personnes