Aujourd’hui dans le monde de la formation, nous assistons à une transformation des dispositifs de formation traditionnels vers de nouveaux dispositifs « hybrides » intégrant de nouvelles dimensions innovantes et mêlant à la fois les modes présentiels et distanciels.
Au sein des entreprises, pour que ces dispositifs « hybrides » soient réellement efficients et opérationnels, certains points sont essentiels.
Que faut-il faire avant de se lancer dans un dispositif hybride ?
Il est fondamental d’avoir une bonne d’avoir une bonne vision stratégique. Les dispositifs qui fonctionnent, qu’ils soient hybrides ou non d’ailleurs, sont ceux qui sont « partagés » et qui reposent sur une vision stratégique.
La question essentielle est celle de la capacité à se transformer. Il y a un problème structurel chez les acteurs historiques de la formation. Trop d’entreprises ont des chiffres d’affaires trop faibles, des marges réduites et donc une capacité d’investissement limitée pour se transformer.
Un des points clés de la réussite est le bon équilibre entre le pédagogique et l’économique. L’entreprise de formation doit se poser les questions suivantes : Quel est mon marché ? Qu’est-ce que je vends ? Comment je le vends ? De quelles compétences ai-je besoin pour proposer des dispositifs hybrides qui fonctionnent ?
En complément, rappelons-nous que pour réussir la mise en place de formations hybrides, il faut acquérir de nouveaux savoir -faire comme scénariser et digitaliser des contenus, produire des vidéos, mettre en place du distanciel, animer différemment une formation en présentiel avec le digital…
Les nouvelles formes de pédagogie amènent nécessairement une évolution des compétences et la mise en place d’un nouvel écosystème de partenaires
Comment réussir ce type de dispositif ?
Pour réussir un dispositif hybride, l’entreprise doit prendre le meilleur des deux mondes, le meilleur du présentiel et du digital…Ce point est fondamental pour que le succès du dispositif soit au rendez-vous.
Cela suppose de réinventer ce que le présentiel a d’essentiel : la dimension de l’émotionnel, de l’expérientiel et de l’événementiel. Quand l’entreprise rassemble plusieurs individus, il est nécessaire qu’il se passe quelque chose : des émotions, des connexions, une situation qui va être fédératrice au sein d’un dispositif qui va durer.
Le meilleur du digital c’est être capable de capter toute sa puissance : se former où on veut, quand on veut, se former sous forme modulaire en fonction de son emploi du temps ou de ses capacités mémorielles, aller chercher des outils différents (vidéo / motion design / dessins…)
Prendre le meilleur des deux mondes, c’est s’assurer d’un « combo gagnant » entre présentiel et digital.
Quel type de pédagogie doit-on développer au sein d’un dispositif hybride ?
La mise en place de l’apprentissage par le projet est indispensable dans un dispositif hybride. Le projet de formation doit être associé au « learning by doing ».
Les apprenants ne veulent plus simplement avoir un apprentissage théorique, ils souhaitent savoir ce qu’ils vont faire de cet apprentissage. La formation n’est pas un objectif en soit, il s’agit plutôt d’une « montée en compétence ». La question du sens est primordiale.
La pédagogie par le projet est la capacité à pouvoir reconstruire tout le contenu de la formation en donnant, dès le départ, aux apprenants comme perspective un défi à relever. Les apprenants vont alors avoir un fil rouge. Il est important de permettre aux apprenants d’expérimenter, de se tromper, de tester… c’est ainsi qu’on nourrit leur appétence à devenir compétent.
Quelle part du digital dans la pédagogie ?
Trop souvent le digital est considéré comme un simple « outil ». Or, il existe une forte porosité entre l’outil et la pédagogie, porosité qui ne cesse d’augmenter. Une partie de la valeur et de l’expertise pédagogique se situe de plus en plus dans le logiciel. Si on observe, par exemple, les solutions s’appuyant sur l’intelligence artificielle, elles ne vont pas générer simplement un process dans l’entreprise ou automatiser une tâche, elles intègrent une expertise que le formateur lui-même ne peut pas délivrer.
L’entreprise doit donc se projeter et s’interroger sur ces nouveaux équilibres entre le savoir-faire des collaborateurs et la plus-value qu’apportent les outils digitaux.
Pourquoi le « social learning » est-il fondamental dans l’ingénierie pédagogique ?
L’homme est un animal social qui ne peut qu’apprendre par et avec les autres. Seulement 6% de la population est en mesure d’apprendre par soi-même avec des ressources qui sont fournies. Pour tous les autres, il est indispensable de mettre en place du « social learning » : de l’interaction entre les individus pour qu’ils se connaissent, qu’ils échangent, qu’ils puissent avoir le sentiment d’appartenir à une cohorte de personnes qui, comme eux, suivent le dispositif, et sont confrontés à des difficultés. Ainsi, ils vont alors pouvoir échanger, poser des questions, demander de l’aide.
Le social learning, qui participe à la motivation des apprenants, peut prendre différentes formes :
- les forums où l’on peut échanger, même si cela ne suffit pas.
- la correction par les pairs : permettre aux apprenants qui sont habituellement dans une posture passive, de changer leur rôle en donnant leur avis et en corrigeant les autres. L’apprenant est aussi celui qui va pouvoir évaluer au sens positif, faire un retour aux autres. Ils se nourrissent de ce que les autres ont produit et obtenir un retour très responsabilisant et engageant.
- le mentorat : qui signifie mettre un lien humain, avoir un temps privilégié avec l’apprenant pour voir comment il vit son « voyage pédagogique » et lui donner des apports méthodologiques.
L’enjeu de la formation, c’est de réussir à créer de la motivation chez les apprenants pour qu’ils puissent s’engager. Les dispositifs hybrides, fonctionnant sur la durée, ils sollicitent les collaborateurs régulièrement et augmentent le taux d’engagement des apprenants. Participer activement au choix de sa formation est aussi un élément clef. La certification peut également avoir un impact positif pour beaucoup de publics et permet d’obtenir de bons résultats.
En quoi consiste le workforce planning ?
La question de la formation ne concerne pas seulement l’entreprise, elle concerne l’individu. Cela consiste à placer l’individu au cœur du dispositif et à mettre les collaborateurs en « mouvement ». Pour parvenir à cela, il faut savoir d’où le collaborateur part, pour ensuite lui proposer de choisir parmi des objectifs afin qu’il sache vers où il va aller.
Savoir d’où part le collaborateur c’est avoir une bonne vision de son positionnement, de ce qu’il sait faire. C’est possible grâce à un référentiel de compétences. L’entreprise est alors en mesure de proposer des objectifs, des visions à 3 ans ou à 5 ans…
Quel métier peux-tu faire ? Vers où souhaites-tu aller ? Quelle place trouver dans l’écosystème ?
La notion de workforce planning consiste à identifier les compétences au départ et à proposer d’autres compétences en fonction des besoins de l’entreprise, des évolutions du marché de l’emploi et de l’envie du collaborateur. L’entreprise demande à l’individu de choisir afin qu’il puisse se positionner de manière formelle. À la manière d’un GPS, l’individu ne peut s’engager qu’en étant en possession d’une vision claire d’où il part et vers où il se dirige.
Quels sont les enjeux lorsqu’on met en place un dispositif d’évaluation de compétences ?
Aujourd’hui, au sein d’une entreprise, les compétences attendues changent très vite. Évaluer les compétences d’une personne n’est pas forcément simple car les métiers évoluent également très vite. Les dispositifs d’évaluation des compétences ne sont pas toujours très efficients du fait notamment de la complexité à créer des référentiels. On commence à voir apparaître des dispositifs plus, légers, plus simples et plus lisibles.
L’enjeu est de rendre ces dispositifs accessibles pour le collaborateur : créer de la curiosité, de l’envie, de la motivation et permettre à l’individu de se mettre dans une posture qui lui permet de s’emparer du sujet. Il est désormais possible d’évaluer des potentiels de compétences par exemple sous la forme d’un jeu. Lorsqu’on ne trouve pas de candidat ayant de l’expérience dans un domaine particulier, ni même de personne ayant des diplômes dans ce domaine, Il peut être utile de repérer des personnes qui auraient un « potentiel pour travailler dans ce domaine.
Le sens et le collectif
Le rapport au travail a considérablement évolué depuis quelques années. Les entreprises dans lesquelles il fait bon travailler sont celles dans lesquelles l’on trouve du sens. Les entreprises performantes sont aussi celles dans lesquelles le collectif fonctionne bien : la performance de l’entreprise est basée sur l’engagement des collaborateurs et sur leur responsabilisation.
Dans beaucoup de grandes entreprises, aujourd’hui, on peut ressentir une difficulté dans le rapport au travail.
Celles-ci, souvent très financiarisées et dans lesquelles le process et l’organisation ont pris le dessus par rapport à l’humain, sont souvent confrontées à un désengagement des collaborateurs, malgré les discours « surfaits » des ressources humaines.
Enfin, tout ce qui est lié au savoir-être à pris beaucoup d’importance. Cela existe pour de nombreuses catégories de métiers : certains exigent des compétences techniques précises, d’autres nécessitent avant toute chose des qualités comportementales, de l’empathie et du savoir-être. N’oublions pas que 90% des ruptures de contrats en période d’essai en CDD ne sont pas liées à des problèmes d’incompétences techniques mais à des difficultés sociales et relationnelles.
L’ingénierie pédagogique
La question clé pour tous les dispositifs hybrides c’est la responsabilité de l’ingénierie pédagogique. Il est impensable de continuer à vouloir former des collaborateurs à des compétences techniques sans se soucier des smartskills qu’il faut développer en parallèle. Pour autant, il n’est pas nécessaire de construire des parcours spécifiques de formation à celles-ci. C’est aux ingénieurs pédagogiques que revient la responsabilité de proposer des activités pédagogiques qui développent ces compétences transversales. Par exemple : imaginons une formation technique. En utilisant du social learning, en fournissant des ressources à disposition des apprenants pour leur demander d’être pro-actifs, on développe chez eux leur esprit critique, leur créativité… Cette question des softskills est au cœur de l’ingénierie pédagogique. C’est en mobilisant les apprenants de manière différente que l’on peut développer en même temps les compétences transversales. C’est là que réside le grand bouleversement de la formation.
La transformation du management dans les entreprises montre comment ce changement s’opère à tous niveaux, du pyramidal au transversal. Aussi, il est primordial qu’il y ait corrélation entre la manière dont on va apprendre et le management dans cette organisation.
Quels nouveaux métiers émergent dans la formation ?
Les formateurs n’auront plus la fonction première de dispenser les savoirs.
La valeur d’un organisme de formation n’est déjà plus dans son savoir mais dans sa capacité à construire des dispositifs à haute valeur ajoutée et à vendre du service. Tous ces services permettent de garantir un taux de complétion des parcours et la montée en compétence réelle, mesurable, des collaborateurs. La qualité du dispositif est donc primordiale pour apporter ces garanties.
Pour cela, on assiste à la naissance de nouveaux métiers tels que les e-concepteurs, les mentors, les ingénieurs pédagogiques, les customers sucess managers,… Désormais ces professionnels coopèrent pour assembler leurs compétences : celui/celle qui conçoit, celui/celle qui accompagne, celui/celle qui rend les outils efficients et mesure les impacts dans le travail des apprenants… Parlera-t-on encore de formateur dans 10 ans ? Le schéma associant formateur et apprenant aura largement disparu.
Le rôle clef au sein des organismes de formation réside dans le rôle d’accompagnateur des apprenants dans leur parcours d’apprentissage. Car dans des dispositifs utilisant du digital, plus on utilise de la technologie, du numérique, plus le rôle de l’humain est essentiel. L’apprentissage devient multi canal, multi-formes. Ce processus ne se passe plus exclusivement dans des salles de formation, mais au contraire, partout au sein de l’entreprise, tout comme en dehors de celle-ci. La place de la formation informelle grandit, de même que la formation par les pairs, ou l’Action de Formation en Situation de Travail.
La réalité virtuelle et l’intelligence artificielle bouleverseront la formation
La grande question est celle de la complémentarité entre l’homme et la « machine ». C’est là que les choses se jouent. Que fait la machine ? Comment la maîtriser ? Quelle place a l’humain par rapport à l’expertise qu’apporte le logiciel ? Si on prend l’exemple de la réalité virtuelle, elle amène une dimension immersive très puissante en matière d’apprentissage. Pour autant, est-ce suffisant pour bien se former ? A l’heure actuelle, la réponse est non. Il faut donc réfléchir à la posture du formateur qui utilise un tel support, à la valeur ajoutée et la complémentarité qu’il va apporter dans l’apprentissage.
Avec la réalité virtuelle, les canaux d’apprentissage sollicités chez l’individu sont totalement bouleversés. Il ne s’agit plus d’apprendre en utilisant sa capacité à réfléchir, à retenir, à mémoriser. Ce ne sont plus les fonctions cérébrales habituelles que l’on va stimuler. En plaçant l’apprenant en totale immersion, on développe ses réflexes, on le connecte avec ses émotions, l’individu va réaliser une expérience totale, immersive, dont le souvenir va s’engrammer de manière solide.
La VR permet de développer des dispositions d’esprit, des compétences transversales aussi appelées Smartskills. Ce type de dispositif peut par exemple, être utile pour permettre une prise de conscience en amont de la formation, mobiliser le collaborateur qui va s’engager ensuite dans une formation. L’individu est considéré dans son altérité physique, émotionnelle et intellectuelle.
Paradoxalement, avec la réalité virtuelle on apprend en faisant. Par exemple : en simulant un incendie, on va avoir à agir pour apprendre à l’éteindre. On peut s’entrainer à mener un entretien, à parler en public…C’est très concret et terriblement efficace.
La réalité virtuelle, finalement, permet de revaloriser le rôle de l’enseignant. Il se place en complémentarité en débriefant les expériences vécues en immersion. La réalité virtuelle est une solution que l’on peut largement utiliser en présentiel, son adoption par les formateurs est assez rapide.
De même, l’intelligence artificielle permet d’analyser la manière dont un individu apprend, et d’individualiser la formation de manière automatique et massive. Mais là non plus, on ne pourra pas se passer du formateur cependant il va falloir réinventer son rôle.
Plus largement, nous sommes convaincus que la révolution de l’enseignement et de la formation est à venir. Presque tout reste à faire de l’école primaire à l’université. Les innovations et les nouvelles pratiques pédagogiques restent encore trop marginales. Passer de l’expérimentation à la généralisation reste un chantier immense !
Des lieux de formation seront renouvelés
Les lieux de formation vont se transformer, pour devenir, à la manière de certaines salles de sport, des espaces d’entrainement. En mobilisant toujours plus de technologie, ils offriront des moyens pour apprendre par l’erreur, sans conséquence, sur des dispositifs pour apprendre en faisant. La salle de classe classique aura probablement disparu.
On se formera partout et très certainement, de plus en plus, au sein même de l’entreprise. Car l’obligation de développer de nouvelles compétences, de s’adapter à l’émergence de nouveaux métiers sera toujours plus forte.
Les modes de financement vont poursuivre leur évolution
Les financements publics sont indispensables pour former les personnes très éloignées de l’emploi, qui sont parfois en rupture.
Les dispositifs publics continueront à accompagner des bassins d’emploi sur des problématiques spécifiques. Par contre, l’état et les collectivités, les financeurs donc, seront de plus en plus exigeants et vont pousser les entreprises de formation à se moderniser, à proposer des dispositifs hybrides, innovants. Ceux qui n’adapteront pas leurs offres disparaitront !
Parallèlement, le marché privé de la formation a commencé sa mue depuis longtemps et les dernières réformes ne font qu’accélérer cette transformation. La formation pour les entreprises est devenue à un marché classique qui répond aux règles classiques de marché.
Enfin, des dispositifs hybrides viendront compléter ce tableau. Ils feront appels à du financement CPF, du financement public pour des individus qui seront de plus en plus nombreux à accepter de payer directement, quand ils le peuvent, leurs formations.