Aujourd’hui la formation connaît un profond renouvellement dans les outils et formats qu’elle propose. Le présentiel tend à devenir plus collaboratif et interactif, favorisant non seulement l’échange avec le formateur mais aussi de pair à pair, et mettant à profit les formats distanciels pour délivrer du contenu en amont et mettre les apprenants en action (classe inversée). Le distanciel, compatible avec plusieurs médias (smartphone, ordinateur,..), revêt des formats variés tels le e-learning, les vidéos interactives, les micro-learning ou encore les jeux sérieux. Et certains parcours intègrent même des formats comme la simulation 3D, la réalité virtuelle (VR) ou la réalité augmentée (AR). Mais qu’en dit notre cerveau ? Sur quels ressorts de la mémorisation ces " nouveaux " formats agissent-ils ?
Les sciences cognitives ont pour objet de décrire et analyser le fonctionnement du cerveau et des comportements. Appliquées à l’apprentissage, elle permettent d’interroger l’efficacité pédagogique de formats et d’outils à travers la méthode scientifique. De prime abord, il est très difficile de conclure quant à l’efficacité d’une technologie ou un format en soi pour l’apprentissage, car l’efficacité d’un parcours de formation dépend aussi du contenu lui-même, des apprenants-cibles, et des objectifs d’apprentissage (court ou long terme, application directe ou transfert dans des situations complexes,…). Il faudrait donc être en mesure d’évaluer l’impact de chaque formation de façon rigoureuse, ce qui n’est malheureusement pas souvent vu comme une priorité.
Pour naviguer à travers ces nouveaux formats et nouvelles technologies, il peut être alors utile de rappeler ce que la science nous a dévoilé sur comment notre cerveau apprend.
Une manière de résumer une grande partie de la littérature scientifique en sciences cognitives de l’apprentissage, consiste à regrouper les fondamentaux pour un apprentissage durable sous forme de 4 piliers que sont l’attention, l’engagement, le test et la consolidation.
Le premier pilier, l’attention, est loin d’être facilité aujourd’hui. Le numériques nous force certes à développer notre flexibilité pour passer rapidement d’une tâche à l’autre, mais au détriment de notre capacité à rester concentrés. En effet, l’habitude de zapper rapidement d’une tâche à l’autre entraine une diminution de la constante attentionnelle, c’est à dire la durée de concentration, et cela a également un impact sur notre capacité de mémorisation [1]. Le suivi d’un micro-learning dans les transports ou d’un Mooc dans l’open-space pose donc la question des lieux et temps d’apprentissage pour favoriser une attention soutenue, garante de la mémorisation. D’un autre côté, les formats innovants tels que l’AR ou la VR, savent capter et orienter l’attention dans des environnement ultra-immersifs au risque parfois peut-être d’induire une fatigue mentale accrue.
Le second pilier, l’engagement, est souvent ce qui est recherché et mis en avant par toutes les nouveaux formats de formation : du MOOC à la VR, les directions de formation veulent attirer les apprenants en lieu et place d’apprentissage, et cherchent à ce qu’ils aillent jusqu’au bout du contenu qui leur est proposé. Il y a donc un engouement pour toujours plus de ludification, qui a effectivement le mérite de lever -parfois- un 1er frein en attirant les apprenants vers le contenu.
Mais certaines organisations en reviennent déjà : micro-learning gamifiés, mooc dynamiques, jeux VR, ne parviennent pas toujours à se transférer dans le quotidien de travail. L’engagement mesuré est en effet loin d’être toujours gage d’efficacité pédagogique. Et cela n’est pas surprenant, car du point de vue cerveau, l’engagement ne se résume pas au fait d’assister ou recevoir un contenu, ni d’être physiquement actif durant l’apprentissage. L’engagement consiste à mobiliser ses ressources cognitives dans un effort ciblé vers ce que l’on cherche à apprendre, tout en recrutant les circuits de notre mémoire à long terme. Le second pilier, l’engagement, est souvent ce qui est recherché et mis en avant par toutes les nouveaux formats de formation : du MOOC à la VR, les directions de formation veulent attirer les apprenants en lieu et place d’apprentissage, et cherchent à ce qu’ils aillent jusqu’au bout du contenu qui leur est proposé. Il y a donc un engouement pour toujours plus de ludification, qui a effectivement le mérite de lever -parfois- un 1er frein en attirant les apprenants vers le contenu.
Le 3ème pilier c’est le test et le feedback [2]. Du point de vue du cerveau, l’apprentissage repose essentiellement sur ce qu’on appelle l’erreur de prédiction : nous utilisons nos modèles mentaux pour prédire le monde qui nous entoure, les conséquences de nos actions ou encore produire des raisonnements, et la seule manière de modifier ces modèles mentaux est de générer un message d’erreur. En somme, sans erreur, sans surprise par rapport à nos prédictions, pas besoin d’apprendre. C’est la vertu du test : expliciter ses modèles mentaux, détecter les erreurs et approximation pour ensuite pouvoir les réajuster grâce à des feedbacks appropriés.
Plus encore, en mobilisant nos connaissances et savoir-faire préalables, le test permet d’activer les réseaux de neurones impliqués dans la mémoire à long terme en lien avec ces connaissances, et ainsi de faciliter l’intégration des informations nouvelles délivrées lors du feedback. D’un point de vue pédagogique, ce pilier essentiel favorise le transfert et la généralisation des apprentissages [2] et gagnerait donc à être davantage respecté. L’arrivée des formats plus engageant de mises en situation, mises en pratique, mais aussi de quiz à distance ou en présentiel y contribuent, et c’est une très bonne chose. Le 3ème pilier c’est le test et le feedback [2]. Du point de vue du cerveau, l’apprentissage repose essentiellement sur ce qu’on appelle l’erreur de prédiction : nous utilisons nos modèles mentaux pour prédire le monde qui nous entoure, les conséquences de nos actions ou encore produire des raisonnements, et la seule manière de modifier ces modèles mentaux est de générer un message d’erreur. En somme, sans erreur, sans surprise par rapport à nos prédictions, pas besoin d’apprendre. C’est la vertu du test : expliciter ses modèles mentaux, détecter les erreurs et approximation pour ensuite pouvoir les réajuster grâce à des feedbacks appropriés.
Enfin le 4ème pilier concerne la consolidation dans le temps. Notre cerveau n’est pas un ordinateur sur lequel il suffirait de télécharger de l’information pour la stocker, nos réseaux de neurones se réorganisent en permanence au gré de nos expériences et avec eux notre mémoire. Si cette plasticité cérébrale est à l’origine même de notre formidable capacité d’apprentissage, elle est aussi en partie responsable du phénomène de l’oubli. Pour contrer cet écueil naturel et très frustrant pour les directions de formation comme pour les apprenants, la répétition de l’apprentissage est nécessaire, en plus du recours au test mentionné plus haut. Mais pas n’importe quelles répétitions : pour favoriser la consolidation de la mémoire, les sessions d’apprentissage doivent se répartir dans le temps de manière espacées et il faut éviter la concentration des sessions sur seulement quelques jours d’affilée. Aujourd’hui, le distanciel offre une opportunité inédite pour étaler les sessions d’apprentissage au-delà des contraintes pratiques du présentiel, que ce soit à travers du e-learning, des webinaires ou des forums d’échanges.
Chacun/e semble aujourd’hui en être persuadé/e: ce n’est pas la technologie en soi qui sert l’efficacité de l’apprentissage, ou encore le format lui-même, mais bien l’adéquation entre le contenu, les objectifs d’apprentissages et les moyens de les atteindre. Face à cette multiplication des technologies et formats pour accompagner la montée en compétence, les piliers de l’apprentissage offrent une grille d’analyse qui peut s’avérer salvatrice.
Marie Lacroix
Diplômée de l’Ecole Normale Supérieure, docteure en neurosciences et spécialiste du lien entre le sommeil et la mémoire, Marie apporte aujourd’hui son expertise au-delà des laboratoires, pour questionner les pratiques de travail et de formation à la lumière des sciences cognitives. Elle est co-fondatrice de Cog’X, une société de conseil, formation et étude reposant sur les connaissances en sciences cognitives.
Références :
- Uncapher MR, K. Thieu M, Wagner AD (2016) Media multitasking and memory: Differences in working memory and long-term memory. Psychon Bull Rev 23:483–490.
- Carpenter SK (2012) Testing Enhances the Transfer of Learning. Curr Dir Psychol Sci 21:279–283 Available at : http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0963721412452728
- Carpenter SK (2012) Testing Enhances the Transfer of Learning. Curr Dir Psychol Sci 21:279–283 Available at : http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0963721412452728