Quel est le périmètre RH au sein de l’IGS ?
L’école IGS-RH existe depuis 45 ans, ce qui en fait le pionnier de l’enseignement dans le domaine des RH. Aujourd’hui, l’école offre des diplômes avec un cycle Bachelor (Post-bac +3), un cycle Mastère (+5) et un Master of Science International HR (+5), avec trois campus à Lyon, Paris et Toulouse.
Les parcours peuvent être suivis, soit en statut d’étudiant, soit en alternance (contrat d’apprentissage ou de professionnalisation). L’offre s’adresse au public en cours d’études ou à celui des praticiens RH (formation continue). Pour ces derniers, il est possible d’acquérir soit un diplôme en une fois (temps plein ou temps partiel), soit par unités capitalisables à vie (certificats). Cette dernière option, combinée avec une validation des acquis de l’expérience (VAE), ouvre véritablement l’accès à une formation tout au long de la vie.
Les programmes sont conçus avec l’appui de DRH appartenant principalement à de grandes entreprises à dimension internationale, œuvrant dans de nombreux secteurs d’activités. Les enseignants proviennent du monde académique et du monde professionnel, avec une plus grande place faite à ces derniers. L’évaluation systématique des enseignements par les apprenants permet d’ajuster les dispositifs pédagogiques, les contenus, et également de donner des feedbacks précis aux intervenants.
Sur les trois campus et en additionnant les publics en étude (étudiants, alternants) et praticiens RH (formation continue), l’école IGS-RH diplôme, chaque année, 700 apprenants en première année de cycle de Mastère (4ème année) et 700 en dernière année du cycle (5ème année) incluant ceux suivant le MSc. International HR. Pour le niveau Bachelor (3ème année de plusieurs diplômes délivrés), il y a 320 diplômés. Au-delà de ces chiffres, l’école IGS-RH dispense ses cours seulement à des groupes d’une trentaine d’apprenants. Cette caractéristique demeure un acte pédagogique fort.
Enfin, l’offre de programme bénéficie d’études menées par le laboratoire de recherches, le LISPE (Laboratoire d’Innovation Sociale et de la Performance Economique). Les résultats de recherches sur les transitions professionnelles, la transformation au travail ou les évaluations d’actions RH influencent le contenu de certaines parties de nos programmes.
Quelles sont les principales transformations des environnements pédagogiques (outils, dispositifs…) de ces dernières années ?
La principale transformation de l’enseignement en RH est le fait que le modèle de l’enseignement en alternance pour la RH, inventé et développé par le CIFFOP et l’école IGS-RH au début des années 70, est devenu maintenant le standard. L’héritage est, pour l’école, l’existence d’un écosystème unique, en France, intégrant les entreprises, les professionnels RH, les anciens de l’école (18 000 alumni). Le succès du modèle oblige l’école IGS-RH à se renouveler en permanence.
Les nouveautés de ces dernières années s’appuient sur l’évolution des techniques (plateforme d’apprentissage, MOOC et mini MOOC, quizz en classe, vidéo, digitalisation des contenus, etc.), des modes pédagogiques (classe inversée, semi-inversée, jeux de rôles, learning expéditions, business games intégrés à des enjeux business d’une entreprise, nouvelles formes d’action learning, formation à distance, etc.).
Quels nouveaux outils ont-ils été introduits dans les formations RH à l’IGS ?
La plupart des dispositifs cités auparavant ont été introduits ces cinq dernières années. A l’école IGS-RH, nous souhaitons garder notre capacité à innover et donc à expérimenter sans cesse. Par exemple, nous opérons une nouvelle digitalisation de nos programmes pour intégrer de nouveaux mécanismes testés depuis la première vague. Notre écosystème nous y force. Notre réputation d’école pionnière nous y contraint. Nous n’avons pas la prétention de considérer justement que tout est parfait.
Pour ce faire, il faut demeurer, dans un premier temps, à l’avant-garde des tendances du marché RH, trier ce qui est de l’ordre de la mode éphémère de ce qui va devenir une tendance structurante dans les actions et pratiques de la fonction RH. Dans un second temps, il y a les modalités pédagogiques. Par exemple, beaucoup de bruit est fait autour de la digitalisation des parcours ou des classes inversées. En fait, il faut faire attention à ne pas devenir esclave des outils, des techniques, des dispositifs. L’apprenant veut de la diversité. Le tout ceci ou tout cela n’est plus de mise. Le panachage, l’hybridation et surtout alimenter la curiosité sont, à mon sens, la vraie ligne de conduite.
Cela change-t-il les comportements et la culture des étudiants… des enseignants ?
Leurs comportements ne me semblent pas différents de ce que nous pouvons observer dans d’autres sphères. J’aurais du mal à dire qu’il y a une culture étudiante spécifique. Ils sont très explicites sur ce qu’ils apprécient ou pas. Il y a cependant toujours un groupe partant pour expérimenter une nouveauté pédagogique.
Souvent, quand j’entends leurs exigences, leurs attentes, leurs commentaires, leurs évaluations de tel ou tel dispositif, ou de tel contenu de cours ou leurs avis sur tel intervenant, je trouve nos apprenants bienveillants, constructifs, attentifs. Vous entendez que je suis assez admiratif de qui ils sont ! C’est vrai qu’ils nous forcent à investir sur de nouveaux dispositifs.
Pour les enseignants et intervenants, ceux que nous " embarquons " se révèlent volontiers partants et se prêtent régulièrement à participer à de nouvelles expérimentations, soit que l’idée germe chez eux et qu’ils nous la propose en test, soit qu’elle émane de l’équipe pédagogique.
Notre travail consiste à les accompagner, à prendre en compte leurs retours et à agir pour corriger, modifier, améliorer. La vie d’une école est faite de beaucoup de régulations : avec les apprenants, avec les intervenants, avec l’équipe pédagogique, avec les entreprises (les DRH, les tuteurs, les membres de jury). Le rôle du directeur d’école est d’animer cette communauté.
Y a-t-il un risque d’effets pervers et si oui, quels sont les points de vigilance ?
Dans le contenu de nos enseignements, nous nous efforçons de faire en sorte de développer une approche où les apprenants exercent aussi un regard critique à propos de toute théorie, pratique ou mode managériale, ainsi qu’à évaluer leurs apports, leurs applications, leurs conditions de succès, etc. C’est notre marque de fabrique et nous nous l’appliquons à nous-mêmes. Miser sur des phénomènes de mode pour faire parler de soi est un piège. L’effet est la dissonance, c’est-à-dire entre le projet de faire grandir l’apprenant et les effets de buzz d’un outil, d’une méthode, d’un dispositif. Un MOOC en soi n’a pas de valeur. Par exemple, j’ai en tête la réussite d’un premier MOOC. Son auteur a accru sa réputation et celle de son institution, les suivants génèrent de l’audience bien que les contenus s’appauvrissent. De conception attractive, le dernier est une litanie de banalités. L’apport pour l’apprenant est, dans ce cas, faible ou nul. Le point de vigilance pour l’institution est cet équilibre entre recherche d’accroitre sa marque et l’utilité réelle pour l’apprenant.
La dissonance entre promesse et réalité constatée amène, tôt ou tard, un effet boomerang pour l’institution ou pour l’auteur (ou pour les deux), comme lorsqu’une entreprise se survend ou survend un poste.
La concurrence entre les écoles et groupes de formation peut-elle se jouer sur les outils ?
Oui, il y a dans la communication qui apparait, ici ou là, chez certains acteurs, une tentation bien présente. Cela est vrai, dans des secteurs autres que celui de l’enseignement, par exemple, entre les entreprises sur le marché des outils RH. Cette singularisation par l’outil est un facteur de différenciation comme un autre. Est-il durable ? Il faut revenir à la Fontaine pour y répondre : " Sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage " …
Et le contenu dans tout ça ?
Je voudrais ajouter que l’école IGS-RH a une obligation de transférer, du fait de ses diplômes, des compétences et non uniquement des connaissances. Aucun outil ne peut accomplir ce transfert. Les mises en situation en entreprise, les jeux de rôle, les simulations, les cas pratiques, etc., sont des modalités pédagogiques permettant d’atteindre cet objectif, ADN de l’école IGS-RH. Ce transfert de compétences nous préserve de succomber à l’attraction des outils mais ne nous exonère en rien de faire de nouvelles expérimentations.
Peut-on envisager une montée en puissance forte de l’enseignement à distance compte tenu de l’utilisation du numérique ?
La formation à distance (FOD) est un dispositif qui, pour moi, comporte un potentiel important. Il faut définir ce que revêt, pour nous, ce dispositif. Il s’agit, tout d’abord, d’un contenu digitalisé intégrant des quizz de positionnement par rapport aux connaissances requises, puis des quizz intermédiaires d’évaluation des acquis. L’ensemble passe par une plateforme adéquate. La FOD ne se résume pas qu’à un contenu digitalisé, il s’agit d’associer une relation organisée, à chaque module, entre le responsable de celui-ci et le groupe apprenant, l’utilisation de cas à faire, soit individuellement, soit en petits groupes, la planification d’un nombre d’évènements et de rencontres pour constituer un réseau entre pairs, la possibilité de faire des cours en direct et à distance, un appui pour l’insertion professionnelle. Elle répond à un besoin d’apporter des opportunités de diplômes dans des lieux où l’offre est absente, évitant des coûts de transport, voire d’hébergement. Croiser avec la possibilité d’obtenir le diplôme par unités capitalisables à vie (certificats), elle laisse le choix du rythme, selon l’investissement voulu par l’apprenant. La FOD est une offre à même de répondre à des besoins actuels, dans une optique de formation tout au long de la vie.
Comment voyez-vous les évolutions à venir ?
Selon moi, après une période de profusion dans l’offre de formation RH, la période actuelle va amener une simplification. La loi "Avenir professionnel" (5 septembre 2018) aura des conséquences, de manière générale, sur le nombre d’acteurs de la formation, incluant ceux de l’enseignement supérieur.
Une deuxième évolution est celle d’une plus grande hybridation des modalités pédagogiques, source de mobilisation de multiples ressources chez l’apprenant et condition du maintien de sa curiosité.
Une troisième est celle de la FOD. Nous en avons parlé. Il faut ajouter à notre propos précédent qu’elle participe à l’égalité des opportunités, ce qui nous incite fortement à nous y investir.
La quatrième est celle de l’Action de Formation En Situation de Travail (AFEST) inscrite dans la loi "Avenir professionnel". Elle est un retour de "l’école" dans l’entreprise, un parcours pédagogique en milieu professionnel sur les postes de travail avec une progression et des étapes évaluées. A l’alternance actuelle partagée en deux lieux : l’entreprise et l’école, l’AFEST est la réunion, en un seul lieu : l’entreprise, des actes de formation pratiques et théoriques. Elle va obliger à marier la rigueur d’un parcours pédagogique et l’acquisition des compétences en situation réelle.
La cinquième évolution relève de la technologie, et de sa capacité à proposer des moyens toujours plus fluides et communicants permettant de s’affranchir des lieux, de se former à son rythme et d’appartenir à une communauté d’apprenants ayant les mêmes objectifs, susceptibles d’interagir, seul ou à plusieurs, sur le contenu pédagogique proposé.
La sixième évolution correspond au contenu. Il ne cessera d’évoluer avec les évolutions de la fonction RH elle-même : l’usage des data qui va s’amplifier (aujourd’hui embryonnaire) et conduire à la création de nouveaux jobs, le développement des valeurs environnementales, la dimension internationale, la recherche d’autonomie, etc.
Propos recueillis par André Perret