Un bel événement inter-réseaux le 20 septembre 2019, au CNAM, à Paris.
Le rôle accru du digital avec la réforme de la formation :
A l’initiative de 4 associations ayant en commun le thème de la formation professionnelle (la FCU, la FFFOD, l’AFREF et le GARF), a eu lieu au CNAM, à Paris, le vendredi 20 septembre, une journée de travail sur la formation continue à distance, intitulée « 50 nuances de digital ». Cet événement a réuni plus de 125 participants et a permis de traiter un sujet d’actualité dans la réforme de la formation.
Dans cette réforme, en effet, l’accent est mis sur la notion de « parcours pédagogique » et sur la finalité professionnelle de la formation. Ainsi, une variété de modalités de formation professionnelle est prise en compte. Parmi ces différentes modalités de formation, la formation à distance est considérée comme une des possibilités pour réaliser tout ou partie d’une action de formation, à condition qu’elle s’inscrive dans le cadre d’un parcours pédagogique – cf. définition inédite de l’action de formation dans la loi du 05/09/2018, art L 6313-2 : « parcours pédagogique permettant d’atteindre un parcours professionnel ». La prise en compte par le législateur du développement des nouvelles technologies digitales a ainsi été renforcée par la réforme de la formation. De fait, le face à face pédagogique n’est pas évoqué dans la définition de l’action de formation.
Il s’agit d’une évolution clé de cette réforme qui assouplit le cadre légal de la formation et l’ouvre à d’autres modalités que le présentiel. Une autre évolution notable de la réforme réside dans une approche de la formation par le prisme économique. Cela représente un changement de paradigme par rapport à la loi de 1971, « portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente ».
René Bagorsky (président de l’AFREF) souligne ainsi que la formation professionnelle n’est pas cantonnée à une logique économique répondant à des besoins d’adaptation mais qu’elle relève de cette notion d’« éducation permanente », contribuant à « l’émancipation de l’individu citoyen ».
Le recours au digital, favorisé par la réforme, peut correspondre à des besoins multiples. L’optimisation financière est souvent citée comme une raison de la digitalisation. Il est vrai que cela peut représenter une économie.
Toutefois, comme le rappellent Béatrice Quertain et Maïlys Knobloch, membres du GARF et responsables formation en entreprise, le faible prix de revient de la formation digitale est l’un des « mythes à détricoter » à propos de la formation digitale. Et les deux responsables de formation de préciser, sur la base de leur retour d’expérience, qu’il est nécessaire d’avoir un budget bien défini et à la hauteur du projet et de ses ambitions. De plus, le témoignage des deux garfistes insiste sur la nécessité d’avoir une stratégie qui ne soit pas qu’économique mais qui réponde à des objectifs professionnels et pédagogiques, comme y invite la réforme de la formation. Selon elles, la formation digitale n’est pas une finalité en soi mais peut s’avérer pertinente pour certains contenus de formation et avoir une utilité pour les formateurs. Par exemple, selon Maïlys Knobloch, ayant une expérience de gestion de la formation dans les métiers du conseil et des ESN, « cela peut rendre plus attractif et ludique des briques d’apprentissage assez théoriques ». Dans le domaine industriel où Béatrice Quertain a travaillé, le recours à la réalité virtuelle en formation, à partir d’un scenario de mise en service d’équipements hydrauliques avec un casque de réalité virtuelle, génère, selon Béatrice Quertain, « une véritable valeur ajoutée pédagogique » : « tout ce que l’on ne pouvait pas montrer en formation d’un point de vue technique, nous avons pu le faire par la réalité virtuelle, et sans risque pour les apprenants ou le matériel. ». La formation digitale a néanmoins une pédagogie propre, à laquelle il faut être sensibilisée avant de créer des
En synthèse de leurs retours d’expérience, Béatrice Quertain et Maïlys Knobloch mettent en exergue les difficultés et les leviers clés liés à ce type de projet.
Parmi les difficultés, on peut citer : « partir de la page blanche » ou « tirer le meilleur parti d’un nouvel outil ». Il y a aussi des difficultés en matière technique : un point critique car conditionnant le taux d’utilisation des formations digitales.
En ce qui concerne les leviers clés, il y a l’implication de la direction et des managers. Cela permet, par exemple, aux apprenants de libérer du temps de formation à distance sur leur temps de travail.
Un autre levier réside dans la communication sur la formation digitale pour « susciter l’enthousiasme et l’adhésion », « créer un engouement par la preuve de l’efficacité », comme en témoigne Maïlys Knobloch.
Enfin, un facteur majeur de succès de ce type de projet consiste à s’appuyer sur des « ambassadeurs » et à créer et animer une « communauté d’apprenants » - pratique de « social learning ». Là encore, il y a agitun mythe à déconstruire, selon Maïlys Knobloch et Béatrice Quertain : la formation digitale, ce n’est pas se former tout seul.
Comme le rappelle Yannig Raffenel, expert en « digital learning » : « on se forme par et avec les autres ».
Côté organisme de formation continue, Marc Poncin, directeur de la formation continue de l’Université de Strasbourg et membre du CA de la FCU, met aussi en relief la primauté de « l’axe pédagogique » et la nécessité que plusieurs axes s’interpellent dans la formation à distance : les axes pédagogique, technologique, juridique et économique.
Au plan juridique, la formation digitale est normée. Léa Rameau, avocate en droit social du cabinet Fromont Briens, considère ainsi que la formation ouverte et à distance (FOAD), réaffirmée par la loi du 05/09/2018 après son inscription dans le Code du Travail en 2014, est « mieux disante » que la formation présentielle. En témoigne le fait que la formation à distance requiert des éléments probants prouvant sa réalisation. Un « certificat de réalisation de la formation » est nécessaire. De plus, l’apprenant doit pouvoir bénéficier d’une information sur les « activités pédagogiques » à réaliser à distance et sur leur « durée moyenne ». Par ailleurs, l’apprenant dispose d’un accompagnement technique, mais aussi pédagogique. Enfin, en formation à distance, il y a une traçabilité à garantir concernant les « évaluations qui jalonnent ou concluent l’action de formation », comme le souligne Léa Rameau.
C’est pourquoi, l’Université du Mans a élaboré un plug-in qui satisfait les obligations légales de la formation à distance, en automatisant ce suivi. Ce plug-in publie des attestations en lien avec une scénarisation pédagogique en « jalons ». Ces « jalons » représentent, selon Nicolas Postec (vice-président délégué chargé du développement numérique, Le Mans Université) et Audrey Sauvêtre (directrice du service formation continue, Le Mans Université), des « étapes clés » de la formation. Le plug-in « attestoodle » est disponible en open source sur moodle.org.
Au final, cette journée inter-réseaux a montré l’intérêt de l’échange entre professionnels pour rester en veille sur les évolutions de la formation et l’adaptation des formats pour répondre aux besoins de publics ciblés. La mutualisation des bonnes pratiques est très appréciée des membres des groupes GARF. Le GARF a d’ailleurs recours au digital, en combinant des échanges physiques et digitaux, comme la possibilité pour chaque membre de poser une question en ligne à l’ensemble des adhérents.
Le GARF (Groupement des Acteurs et Responsables Formation) est le premier réseau national des professionnels de la formation et du développement RH. Le GARF regroupe plus de 500 adhérents, principalement en entreprise, répartis dans 20 groupes (dont 13 en région). Rejoindre le GARF, c’est bénéficier d’un espace de réflexion, de partages de pratiques, d’échanges et de retours d’expériences sur les problématiques RH, Formation et développement des compétences.